TAF, arrêt B-1064 du 28 janvier 2021 – motifs relatifs, similarité des produits éloignée, force distinctive faible, absence de risque de confusion
Art. 3 al. 1 let. c LPM: La présence d’un élément supplémentaire, faiblement distinctif, dans la marque opposante contribue à écarter le risque de confusion entre deux signes par ailleurs très fortement similaires.
Le TAF rejette le recours formé par la titulaire de la marque opposante «ECOWATER CHC» (CH 662 326) contre la décision de l’IPI rejetant l’opposition contre la marque attaquée «ECOAQUA» (CH 704 557).
La marque attaquée est enregistrée pour des appareils de filtrage et des filtres pour aquarium (cl. 11). La marque opposante est enregistrée pour des tours de refroidissement de l’eau pour la filtration, la déminéralisation et la réduction de la dureté de l’eau (cl. 11).
Cercles de consommateurs
Les produits sous revue s’adressent aussi bien aux consommateurs moyens qu’aux spécialistes et aux professionnels.
Les consommateurs moyens acquièrent ces produits dans des magasins spécialisés dans lesquels ils reçoivent sur les produits des conseils et des informations détaillées. Leur attention en est donc d’autant augmentée.
Quant aux spécialistes, on leur reconnaît en règle générale un degré d’attention élevé.
Faible similarité des produits
L’intimée a fait valoir que ses filtres pour aquariums sont exclusivement adaptés aux aquariums qu’elle a conçus. Se référant au site Internet de la recourante, elle s’est prévalu du fait que cette dernière ne produit que des systèmes de traitement de l’eau destinés aux ménages ou aux entreprises. La marque attaquée ne concernerait donc que des produits aquariophiles, alors que la marque opposante concernerait des produits qui n’ont aucun rapport avec l’aquariophilie.
Le TAF rappelle à cet égard que la similarité des produits s’apprécie uniquement sur la base des inscriptions dans le registre, sauf si le non-usage est invoqué. L’usage réel ou prévu de la marque sur le marché est sans pertinence. Il est donc indifférent de savoir comment les marques respectives sont utilisées.
La similarité ne dépend pas de la nature intrinsèque des produits, mais de l’attente du public en ce qui concerne leur offre et leur distribution. Ainsi, des similarités notamment au niveau des sites de fabrication des produits, du savoir-faire requis pour le processus de fabrication spécifique, des canaux de distribution, de l’utilisation prévue des produits, de leur substituabilité plaident en faveur d’une similarité entre les produits (TAF B-1342/2018 – APPLE / APPLE BOUTIQUE).
Le TAF constate que les produits revendiqués par les marques opposées ne sont pas des substituts et ne servent pas le même but. Le fait qu’une tour de refroidissement d’eau et un filtre à eau au sens large aient pour objet le traitement de l’eau ne permet pas en soi de conclure qu’ils ont le même objet. Alors que le but des produits de la marque opposante est de refroidir l’eau, le but des produits de la marque attaquée est de filtrer l’eau.
Le fait qu’il existe des systèmes de traitement de l’eau qui sont utilisés selon le même principe aussi bien dans les installations domestiques et dans les aquariums, et que ces systèmes peuvent comporter des éléments de filtrage et de refroidissement, ne signifie pas que ces produits suivent des canaux de distribution identiques. Au contraire, les tours de refroidissement d’eau, même si elles sont vendues avec un système de filtration, ne s’adressent généralement pas au même public et ne sont pas achetées au même endroit que les appareils de filtration d’eau pour aquariums, qui sont en principe vendus dans des magasins spécialisés.
En conséquence, si tant est qu’une similarité puisse exister entre les produits litigieux, elle est lointaine.
Similarité des signes donnée
D’un point de vue sémantique, les deux marques sont similaires. Elles se comprennent toutes les deux dans le sens d’«eau écologique». Bien qu’ils ne soient pas directement descriptifs en lien avec les produits revendiqués, les «ECOWATER» et «ECOAQUA» sont au moins fortement allusifs.
Le signe attaqué reprend en outre complètement le début du signe ainsi que la structure de la marque opposante «ECO + [terme ayant le sens d’eau]», si bien que les différences phonétiques et typographiques entre les marques ne suffisent pas à exclure une similitude des signes.
L’élément «CHC», en relation avec les tours de refroidissement d’eau, signifie «cavitation hydrodynamique contrôlée» et décrit le mode de fonctionnement des produits en cause. Cette signification n’est toutefois connue que des spécialistes. L’ajout de cet élément ne permet pas d’écarter la similarité entre les signes.
Absence de risque de confusion
La marque opposante est composée de divers éléments verbaux, dont chacun est descriptif en soi en relation avec les produits revendiqués. Elle ne tire son caractère distinctif que de la combinaison de tous ces éléments. Dans l’impression d’ensemble, cette combinaison est fortement allusive, de sorte qu’elle ne jouit que d’une force distinctive réduite et, partant, d’un champ de protection limité.
Ainsi, compte tenu de la lointaine similarité entre les produits et du champ de protection réduit de la marque opposante, même des simples différences suffisent à écarter le risque de confusion entre les signes (TAF B-970/2019 – clever fit [fig.]/ CLEVERFIT [fig.], B-6173/2018 du 30 avril 2019 – WORLD ECONOMIC FORUM [fig.]/ZURICH ECONOMIC FORUM [fig.]).
La marque attaquée ne reprend pas l’élément le plus distinctif de la marque opposante, à savoir l’acronyme CHC. Il y a donc une légère différence entre les signes laquelle, considérant le degré d’attention d’attention accru des destinataires, suffit à exclure un risque de confusion.
Le TAF donne ainsi raison à l’IPI qui a rejeté les oppositions relatives à ces produits, de sorte que le présent recours est rejeté.
(TAF B-1064/2019 du 28 janvier 2021)
Remarque
Le TAF reconnaît que l’élément «ECOWATER» et la marque «ECOAQUA» sont très fortement similaires. La marque attaquée est donc essentiellement une reprise d’un élément de la marque opposante. Cet élément repris a exactement la même signification dans les deux marques.
Comme nous le comprenons, le TAF estime que l’élément supplémentaire «CHC» de la marque opposante contribue à écarter le risque de confusion entre les deux signes.
Lorsque la marque attaquée reprend un élément de la marque opposante, n’est-ce pas la marque attaquée qui doit se distinguer de la marque opposante un élément supplémentaire qui modifie la perception du signe attaqué ? (voir par exemple: TAF, arrêt B-922/2015 – SUBMARINER / MARINER)
Certes, dans le cas d’espèce, le rejet de l’opposition n’est pas fondé exclusivement sur la présence de cet élément supplémentaire «CHC». La similarité entre les produits est très éloignée, la force distinctive de la marque opposante est faible et le degré d’attention des destinataire est plus élevée que de normale. Ces aspects jouent un rôle important dans le rejet de l’opposition. Mais suffisent-ils? L’opposition aurait-elle été rejetée en l’absence de l’élément «CHC» de la marque opposante?
Quoi qu’il en soit, évoquer la présence d’un élément distinctif de la marque opposante pour justifier l’absence de risque de confusion entre des signes, par ailleurs quasiment identiques, nous semble malheureux. Une telle approche conduit à favoriser la protection de signes moins distinctifs par rapport à ceux qui le sont plus.