Close

APPLE / APPLE BOUTIQUE

TAF, arrêt B-1342/2018 du 30 septembre 2020 – motifs relatifs, absence de similarité des produits, absence de risque de confusion

Art. 3 al. 1 let. c LPM: La notoriété exceptionnelle de la marque «APPLE» n’entraîne pas la suppression du principe de spécialité en droit des marques. Dans la procédure d’opposition, la requérante ne peut pas invoquer la protection élargie de la marque de haute renommée au-delà de la similarité des produits ou des services. 

Le TAF rejette le recours formé par Apple Inc. contre la décision de l’IPI admettant partiellement l’opposition fondée la marque verbale APPLE (CH 625’404) et trois marques figuratives (IR 868’666, IR 902’538, IR 871’151) représentant la célèbre pomme contre la marque attaquée «Apple Boutique» (CH 696 405).

Suite à une radiation partielle intervenue en cours d’instance, la marque attaquée «Apple Boutique» est enregistrée pour des objets précieux, métaux précieux et leur alliage ainsi que des articles de bijouterie et horlogerie (cl. 14), des tableaux et livres d’art (cl. 16), des œuvres d’art (cl. 20), des objets d’art (c.  21), des habits (cl. 25) et des services de tenue de livre comptable (cl. 35).  

La marque verbale «APPLE» est enregistrée pour des produits en classes 16 et les services des classes 35, 36, 38, 41, 42 et 45. Les trois marques figuratives d’Apple Inc. sont enregistrées pour les produits des classes 14, 16, 18, 20, 25, 28, 35 et 39.

Tenant compte des conclusions du TF selon lesquelles le terme «Apple» n’est pas compris dans le sens de «pomme» (ATF 145 III 178), l’IPI a largement admis les oppositions fondées sur la marque verbale «APPLE» et la marque figurative (IR 868’666), si bien que seuls les métaux précieux et leurs alliages en classe 14  font encore l’objet du présent litige devant le TAF. En lien avec ces produits, l’IPI a estimé qu’il n’y avait pas similarité entre ces produits et ceux en classes 14 et 16 des marques opposantes.

Cercles de consommateurs

Les cercles des consommateurs sont déterminés indépendamment de la position marketing des produits revendiqués. Ainsi le fait que le titulaire de la marque attaquée détient un magasin d’antiquaire où il offre ses œuvres d’art et autres trouvailles provenant de brocantes, ne joue aucun rôle pour la détermination des cercles déterminants.

Les produits sous revue en classe 14, à savoir les bijoux et montres mais également les boutons de manchettes, broches et statues en métal précieux, sont demandés par un large public. On peut retenir une attention moyenne, car il peut s’agir d’accessoires bon marché comme de produits de luxe.

Absence de similarité des produits

Pour la similarité des produits opposés est seule est déterminante l’inscription au registre des marques.

Les métaux précieux et leurs alliages en classe 14, enregistrés par la marque attaquée, sont à comparer avec les  articles suivants, enregistrés par la marque figurative opposante IR 868’666 [Apfel] (fig.) (la marque verbale «APPLE» n’est pas enregistrée pour la classe 14): Articles de bijouterie; montres et horloges; boutons de manchettes; porte-clés en métaux précieux; chronomètres; broches, breloques; épingles de cravates; pinces de cravate; insignes, bracelets, colliers; médaillons, boucles de ceinture, épingles; boîtes pour accessoires, coffrets à bijoux, parures toutes en en métaux précieux ou en plaqué; bijouterie fantaisie; statues et parures en métaux précieux. Seuls les porte-clés, parures et statues sont désignés exclusivement comme étant en «métaux précieux», les autres produits pouvant aussi être produits à partir d’autres matériaux.

Le TAF examine donc s’il existe une similarité entre les métaux précieux et les marchandises fabriquées à partir de ceux-ci – en l’espèce des statues, des bijoux et des porte-clés.

Il rappelle, que, de jurisprudence constante, il n’existe pas de similarité entre les matériaux bruts et les produits finis fabriqués à partir de ces matières. En effet, ces deux catégories de produits proviennent généralement sources commerciales différentes, ont des utilisations différentes et ne se recoupent pas en termes de clients et de points de vente.

La similarité ne dépend pas de la nature intrinsèque des biens, mais de l’attente du marché en ce qui concerne l’offre et la distribution des marchandises. Il ne suffit donc pas qu’une matière première soit essentielle ou déterminante pour la valeur du produit final. Pour admettre une similarité, il faut au contraire que les clients s’attendent à la même provenance commerciale (p.ex. pour la farine et le pain). En l’espèce, cette condition n’est pas remplie pour des porte-clés, des statues et des bijoux. En effet, les clients de ces produits ne s’attendent pas à pouvoir acheter des métaux précieux au titulaire de la marque opposante. Contrairement à la farine, que l’on peut transformer en pain dans sa propre cuisine, les acheteurs de produits en métaux précieux n’ont pas l’habitude de forger eux-mêmes ces produits à partir de matière brute. Trop d’étapes de transformation séparent la matière première du produit fini. Il n’y a donc aucune similitude entre les métaux précieux et les produits fabriqués à partir de ceux-ci dans la classe 14.

Le TAF rejette l’argument d’Apple Inc. qui, s’appuyant sur le récent arrêt ATF 145 III 178, a fait valoir la notoriété exceptionnelle de sa marque pour certains produits, ce qui favoriserait son enregistrement pour d’autres produits ou services. Certes, le caractère distinctif accru d’une marque, acquis grâce à son excellente notoriété en relation avec certains produits ou services, peut conduire à une acceptation plus souple des critères de similarité. Toutefois, elle n’entraîne pas la suppression du principe de spécialité en droit des marques. Dans la procédure d’opposition, la requérante ne peut pas invoquer un champ de protection étendu de la marque de haute renommée au-delà de la similarité des produits ou des services (art. 15 LPM). L’art. 31 al. 1 LPM ne fait expressément référence qu’aux motifs de refus relatifs d’exclusion visés à l’art. 3 al. 1 LPM et non à la disposition relative à la marque de haute renommée (art. 15 LPM).

Absence de risque de confusion

En l’absence de similarité entre les métaux précieux et leurs alliages en classe 14 de la marque attaquée et les produits et services des marques opposantes, l’existence d’un risque de confusion peut être exclue.

Le TAF donne ainsi raison à l’IPI qui a rejeté les oppositions relatives à ces produits, de sorte que le présent recours est rejeté.

(TAF, arrêt B-1342/2018 du 30 septembre 2020)

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.