TAF, arrêt B-3981 du 6 avril 2022 – motifs absolus, domaine public, marque tridimensionnelle, éléments verbaux distinctifs
Art. 2 et 40 al. 3 LPM: Les signes sont examinés sur la base des reproductions figurant au registre et non pas sur les reproductions disponibles sur l’organe de publication Swissreg qui offre la possibilité d’agrandir les images en haute résolution.
Art. 2 let. a LPM: L’élément verbal, distinctif pour les produits en cause, est lisible et occupe environ un tiers de la hauteur totale de la bouteille et environ un tiers de la largeur latérale de la bouteille. Il est suffisamment grand pour marquer l’impression d’ensemble et conférer au signe un caractère distinctif.
Le TAF admet le recours formé contre le refus par l’IPI d’enregistrer la marque tridimensionnelle «Nemiroff (fig.)» (CH 72367/2018).
Le signe est déposé pour les boissons alcooliques (à l’exception des bières) (cl. 33).
Caractère fréquent de la forme
Un signe représentant un produit ou son emballage n’est perçu comme un renvoi à une provenance commerciale que si la reproduction s’écarte suffisamment des aspects fonctionnels et esthétiques de la forme du produit.
Le TAF rappelle d’abord que la diversité des formes dans le segment de produits des boissons alcooliques est grande (cf. arrêt TAF B-6201/2017 du 16.11.2018 – 1800 Cristalino (fig.). Il est par conséquent plus difficile de créer une forme distinctive.
En l’espèce, le TAF se fonde sur les pièces produites par l’IPI et confirme que la forme allongée et à base carrée, combinée avec des arêtes arrondies et un goulot fin, est fréquente dans le domaine des boissons alcoolisées. En outre, les rainures, les bourrelets et les inscriptions en reliefs sont également fréquents.
Ces éléments ne sont pas distinctifs car, d’une part, ils ont un caractère esthétique et, d’autre part, en ce qui concerne les rainures et bourrelets, ils permettent une meilleure prise en main et sont en ce sens de nature fonctionnelle.
En définitive, le TAF confirme que les éléments de forme ne diffèrent pas suffisamment des formes habituelles dans la gamme des produits revendiqués.
Différences entre registre et organe de publication
Toute la question est donc de savoir si les caractères verticaux et horizontaux influencent l’impression d’ensemble de la marque déposée de telle sorte qu’ils puissent lui conférer un caractère distinctif.
L’IPI, en se fondant sur les reproductions au registre, a considéré que ces éléments verbaux étaient trop discrets et difficiles à lire.
Pour la recourante, l’examen devait se faire sur la base des reproductions disponibles sur l’organe de publication Swissreg sur lequel les images en haute résolution peuvent être agrandies.
Le TAF explique que le registre des marques, tout comme la banque de données des marques consultable sur www.swissreg.ch, sont gérés électroniquement (art. 40 al. 3 LPM). Le registre des marques et Swissreg ne sont toutefois pas identiques. Le premier est un registre public au sens de l’art. 9 CC, institué par le droit fédéral et géré par l’IPI (art. 37 LPM). Le second un organe de publication, respectivement un service public de l’IPI.
Sont déterminantes les inscriptions au registre, éventuellement et à titre complémentaire les illustrations originales déposées auprès de l’IPI. C’est donc à juste titre que l’IPI s’est basé sur les illustrations de l’extrait du registre et non sur les illustrations disponibles sur Swissreg.
Quant au format maximal que la reproduction ne doit pas dépasser (8 × 8 cm), il provient à l’origine de la publication des marques dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC). La FOSC a été publiée dans une version imprimée jusqu’à fin décembre 2017. Les marques n’étant plus publiées dans la FOSC depuis juillet 2008, la raison de cette limitation liée à l’impression n’existe plus aujourd’hui. Cela étant, même avant la suppression de la publication de la FOSC, il était possible de représenter des marques tridimensionnelles par plusieurs illustrations. Cette possibilité de représentation multiple aurait permis à la recourante d’en montrer un extrait agrandi.
Elément verbal confère à l’ensemble un caractère distinctif
Dans l’arrêt TAF B-6201/2017 du 16.11.2018 – 1800 Cristalino (fig.), l’inscription litigieuse était claire et très lisible et le chiffre «1800», en raison de sa présentation et de son placement en combinaison avec le terme «CRISTALINO», était marquant dans l’impression d’ensemble si bien que la marque était distinctive. Dans un arrêt antérieur concernant, une inscription reconnaissable mais illisible n’a en revanche pas pu contribuer au caractère distinctif en raison de sa petite taille (cf. arrêt du TAF B-2676/2008 consid. 7.1 « Flasche [3D] »).
En l’espèce, l’élément verbal «Nemiroff» est lisible sur les illustrations déterminantes, tant verticalement qu’horizontalement. Il n’a pas de signification lexicale et constitue donc, dans le contexte des produits revendiqués, un terme de fantaisie doté d’un caractère distinctif.
L’inscription «Nemiroff», disposée verticalement, occupe environ un tiers de la hauteur totale de la bouteille et environ un tiers de la largeur latérale de la bouteille ; elle est suffisamment grande pour marquer l’impression d’ensemble. En outre, elle est bien lisible en raison de l’ombrage dû au relief. Horizontalement, l’inscription est plus petite et moins visible. Toutefois, en raison de sa proximité avec l’élément verbal vertical, le destinateur reconnaît immédiatement qu’il s’agit du même mot. Enfin, le TAF tient compte du fait que l’élément verbal «Nemiroff» est placé sur deux côtés de la bouteille et qu’il ressort en relief de la forme de la bouteille.
Ainsi, dans l’ensemble, l’écriture confère à la marque déposée, dont l’impression d’ensemble est marquée par des reliefs de différents types, le caractère distinctif suffisant pour être protégée.
Le TAF admets ainsi le recours.