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E*trade (fig.) / e trader (fig.)

TAF, arrêt B-4552/2020 du 7 juillet 2021 – irrecevabilité du recours, défaut d’usage de la marque opposante

Art. 52 al. 1 et 2 PA : Si le recours est déposé sans motivation, mais qu’il laisse supposer qu’il a été déposé de manière délibérément incomplète, il faut – si le délai supplémentaire ne lui est pas immédiatement refusé – examiner sur la base de la motivation déposée ultérieurement si celle-ci a été initialement omise délibérément ou, au mieux, sans faute du recourant (cf. art. 24 PA).

Art. 12 PA: Les déclarations sous serment n’ont pas de valeur probante accrue dans les procédures administratives mais doivent être prises en compte dans le cadre de la libre appréciation des preuves.

En raison du non-respect des conditions formelles du mémoire de recours selon l’art. 52 PA, le recours de la société américaine E*TRADE Financial Corporation, titulaire de la marque opposante, est irrecevable.

Même si le recours avait été recevable, le TAF le rejette et confirme ainsi la décision de l’IPI : la titulaire de la marque opposante n’a pas rendu vraisemblable l’usage de sa marque « E*trade (fig.) » (CH 486’078).  Dès lors, Le TAF permet l’enregistrement de la marque attaquée « e trader (fig.) » (CH 710’441) pour les classes 35, 36 et 38.

Défaut formel – irrecevabilité du recours

L’acte de recours doit notamment contenir un exposé des motifs ; en l’absence d’un tel exposé, l’autorité de recours accorde au requérant un bref délai pour régulariser la situation, à moins que le recours ne s’avère manifestement irrecevable (art. 52 al. 1 et 2 PA). Ce délai supplémentaire est destiné à réparer les omissions commises par erreur ou par ignorance, bien que la loi ne fasse pas de distinction entre les omissions volontaires et involontaires. La règle vise à éviter un formalisme excessif en permettant aux personnes concernées de remédier à une omission.

En revanche, si une personne dépose délibérément un recours incomplet dans le seul but d’obtenir une prolongation du délai de recours, elle utilise cette disposition de manière abusive. En cas d’abus de droit manifeste, il n’y a pas lieu de tenir compte des compléments effectués durant le délai de grâce.

L’absence de motivation ne rend donc pas le recours manifestement irrecevable dès le départ. Si le recours est déposé sans motivation, mais qu’il laisse supposer qu’il a été déposé de manière délibérément incomplète, il faut – si le délai supplémentaire ne lui est pas immédiatement refusé – examiner sur la base de la motivation déposée ultérieurement si celle-ci a été initialement omise délibérément ou, au mieux, sans qu’il y ait faute (cf. art. 24 al. 1 PA). L’octroi du délai de grâce ne corrige donc pas le vice de forme, mais il convient de se prononcer sur la satisfaction des conditions d’entrée en matière au vu du mémoire exposant les motifs du recours.

Dans le cas d’espèce, le TAF a accordé à la recourante un délai de grâce pour compléter son mémoire de recours qui ne contenant pas de motivation. Or, dans sa motivation déposée ultérieurement, la recourante n’explique pas en détail pourquoi elle a, sans le savoir, présenté le recours de manière inadéquate ou pourquoi elle a été empêchée d’agir dans le délai sans qu’il y ait faute de sa part. Toujours sur la base des dossiers, aucun élément n’explique pourquoi la représentante légale n’aurait pas pu déposer un recours dans les délais et en totalité, d’autant plus qu’elle avait déjà représenté le requérant dans la procédure devant le tribunal. Le recours s’avère donc irrecevable.

Le TAF indique toutefois, que même si le recours avait été recevable, il aurait été rejeté pour les raisons suivantes.

Défaut d’usage – évaluation d’un serment de partie

La titulaire de la marque attaquée invoque dans sa réponse le défaut d’usage de la marque antérieure au sens de l’art. 32 LPM.

Parmi les preuves apportées pour rendre vraisemblable l’usage de sa marque, la partie opposante fait valoir un «affidavit», soit une déclaration sous serment, et reproche à l’IPI de l’avoir évaluée comme une déclaration de partie et de ne pas s’être prononcé sur le fond. Le TAF rappelle la jurisprudence selon laquelle, les déclarations sous serment n’ont pas de valeur probante accrue dans les procédures administratives mais doivent être prises en compte dans le cadre de la libre appréciation des preuves et peuvent contribuer à la détermination du droit conjointement avec d’autres preuves.

L’IPI a ainsi correctement qualifié le contenu de l’affidavit comme pure affirmation de partie. Toutefois, il n’a pas précisé si et dans quelle mesure l’affidavit contribue à la détermination du droit.

En l’espèce, l’affidavit a été signé par la cheffe du service juridique de la recourante qui confirme qu’elle est à la fois qualifiée et autorisée à émettre la déclaration sous serment au nom de la recourante et prend acte des conséquences pénales d’une fausse déclaration (art. 251 CP). Par ailleurs, elle explique que la recourante offre des services financiers à des clients en Suisse sous la marque d’opposition. Il existe des relations d’affaires avec des clients en Suisse qui ont un compte ouvert auprès de la recourante. Elle indique enfin le nombre de comptes bancaires et de comptes de placement ouverts par des clients en Suisse pour les années 2013 à 2019.

Le TAF est d’avis que le contenu de l’affidavit se contente d’indiquer que la recourante offre des services à des personnes résidant en Suisse, mais ne dit rien sur le fait que ces services sont également fournis en Suisse et que la marque opposante est utilisée dans ce contexte. Ainsi, cette déclaration ne prouve pas en soi l’usage de la marque.

Le TAF examine ensuite si l’affidavit, en conjonction avec les autres documents de preuves, peut contribuer à affirmer l’usage de la marque. Figurent au dossier des relevés de comptes sur lesquels apparait la marque opposante mais qui n’ont pas été émis au nom de la requérante E*TRADE Financial Corporation mais au nom de la filiale E*TRADE Securities LLC dont le siège social est à Jersey City, New York. Il ressort des différents documents qu’ils sont adressés à des personnes ayant une adresse en Suisse. Tous les comptes sont tenus en dollars américains. Selon le TAF, la requérante se contente de démontrer que la marque est utilisée par la filiale, mais elle n’est toutefois pas en mesure de démontrer de manière crédible en quoi cet usage de la marque est lié à des services effectivement fournis ou utilisés en Suisse, et les éléments de preuve présentés ne le laissent pas supposer.

Par conséquent, l’affidavit, même en conjonction avec les autres éléments du dossier, ne démontre pas l’usage de la marque en Suisse.

Défaut d’usage – Site internet insuffisant

Le TAF examine enfin, si, dans certaines circonstances, la «publicité» de la recourante peut également constituer une référence nationale suffisante, notamment dans le cas de services offerts exclusivement sur Internet.

À cet égard, la recourante présente une capture d’écran de son offre apparaissant sur le site www.wallstreet-online.de. Selon la recourante, son offre était perceptible en Suisse sur la base du site internet susmentionné et a été utilisée en conséquence. Le TAF est d’avis que cette capture d’écran ne contient aucune information permettant de conclure à une approche active du marché ou à des efforts publicitaires en Suisse durant la période pertinente. Le site internet de la recourante avec la possiblité d’ouvrir un compte ne convainc pas non plus le TAF. Seules les adresses situées aux États-Unis peuvent être données comme adresse du nouveau client et le site internet n’est pas disponible dans une langue nationale, mais uniquement en anglais.

Ainsi, de l’avis du TAF, tous ces éléments sont des indications qui ne permettent pas de qualifier l’utilisation sur Internet d’usage domestique et qu’on peut en déduire que les services sont uniquement destinés aux clients résidant aux États-Unis.

Par conséquent, le TAF arrive à la conclusion que la requérante, après avoir considéré tous les éléments de preuve, ne parvient pas à démontrer l’usage sérieux et effectif de sa marque en Suisse. Ainsi, même dans le cas où le TAF serait entré en matière sur le recours, il aurait dû le rejeter.

(TAF, arrêt B-4552/2020 du 7 juillet 2021)

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