TAF, arrêt B-3209/2017 du 2 avril 2019 – motifs relatifs, risque de confusion, usage partiel
Art. 11 al. 1 LPM: La solution minimale étendue ne dépend pas de critères objectifs, tels que les propriétés ou la finalité des produits, mais uniquement des attentes des destinataires. Il faut donc se demander ce que les destinataires peuvent attendre comme utilisation future du signe sur d’autres produits.
Le TAF rejette le recours formé par la titulaire de la marque verbale « PARADIS » (IR 279262A, marque opposante) à l’encontre de la décision de l’IPI rejetant l’opposition contre les marques « BLANC DU PARADIS » et « ROUGE DU PARADIS » (CH 660353 et CH 660354, marques attaquées).
La marque opposante appartient à la société Jas Hennessy et Co, sise à Cognac. Elle est enregistrée en Suisse depuis plus de 50 ans pour les alcools et eaux-de-vie, liqueurs, spiritueux et apéritifs divers en classe 33.
Les deux marques attaquées sont enregistrées pour, respectivement, du vin blanc et du vin rouge, également en classe 33.
Faible force distinctive de la marque opposante
Le terme « PARADIS » désigne une cave spécifique dans laquelle les vieux Cognac sont entreposés. L’IPI a estimé que les destinataires des produits désignés par la marque opposante connaissent cette signification. La marque opposante jouit ainsi d’une force distinctive faible. Les éléments additionnels des marques attaqués suffisent à écarter le risque de confusion.
Le TAF confirme cette conclusion. Dans sa justification de la faible force distinctive de la marque opposante, le TAF retient toutefois que le terme « PARADIS » est laudatif. Selon le TAF, décrire de l’eau-de-vie (Brannwein) comme un « paradis » promet aux consommateurs des sensations comparables à celles qu’on peut en faire au paradis.
Nous ignorons si cette interprétation peut convaincre un public germanophone. En français, le terme « paradis » évoque tout au plus un sentiment ou des sensations de bonheur et de bien-être. En lien avec des boissons alcoolisées, il faut, à notre avis, un effort de réflexion pour percevoir un sens laudatif dans ce signe.
Quoi qu’il en soit, les deux instances se rejoignent pour conclure que la marque opposante a une force distinctive faible et que le risque de confusion est éliminé par l’adjonction des éléments « BLANC DE » et « ROUGE DE » dans les marques attaquées.
Usage partiel
Il y a usage partiel lorsque l’usage d’une marque enregistrée pour une indication générale n’est rendu vraisemblable que pour une partie des produits et services tombant sous cette indication.
Dans ces cas, une approche nommée « solution minimale étendue » est appliquée. L’usage valide le droit à la marque en relation avec des produits et services futurs dont on peut présumer qu’ils seront vendus ou fournis par l’entreprise ou auxquels les destinataires peuvent s’attendre au regard de l’usage actuel. Cette approche permet d’étendre l’effet de l’usage conservatoire.
Toutefois, selon la pratique de l’IPI, l’usage conservatoire ne s’étend qu’à des produits ou à des services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou des sous-catégories cohérentes. Des produits ou services appartiennent à la même catégorie ou sous-catégorie lorsque, d’un point de vue objectif, ils concordent en ce qui concernent leurs propriétés, leur finalité et leur destination (cf. Directives IPI, Partie 6, ch. 5.3.5.2.).
En l’espèce, l’usage de la marque opposante a été rendu vraisemblable pour le cognac. Appliquant la solution minimale étendue, l’IPI a retenu que le cognac tombait sous les intitulés alcools et eaux-de-vie, liqueurs, spiritueux et apéritifs divers de la marque opposante. L’intitulé eaux-de-vie étant le plus étroit et contenu dans les trois autres, l’IPI a examiné s’il pouvait être subdivisé en sous-catégories, selon les critères mentionnés ci-dessus. Il est arrivé à la conclusion que les sous-catégories suivantes pouvaient être établies eaux-de-vie de vin, de marc de raisin et de raisin sec et Brandy et que l’usage démontré les validait.
Le TAF conteste cette pratique. Il estime que la solution minimale étendue ne dépend pas de critères objectifs, tels que les propriétés ou la finalité, mais des attentes des destinataires. Il faut donc se demander ce que les destinataires peuvent attendre comme utilisation future du signe sur d’autres produits.
Le cognac est une appellation d’origine protégée désignant une eau-de-vie de vin produite dans une aire délimitée autour de Cognac en Charente. Le TAF estime qu’en raison de cette délimitation géographique et des attentes élevées quant à ce produit de qualité, les destinataires peuvent s’attendre à trouver sous une même marque des eaux-de-vie provenant d’autres régions françaises, comme Armagnac ou Calvados. En revanche, les destinataires ne s’attendent pas à une exploitation de cette marque pour des produits d’une qualité différente ou provenant d’autres régions.
En application de la solution minimale étendue, le TAF retient donc que l’usage de la marque pour le cognac ne peut être étendu qu’à des eaux-de-vie françaises. Ces produits sont néanmoins similaires aux vins rouges et blancs revendiqués par les marques attaquées.
En définitive, le TAF valide tout de même la conclusion de l’IPI et rejette le recours.