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FACEBOOK / StressBook

TAF, arrêt B-681/2016 du 23 janvier 2018 – motifs relatifs, usage de la marque (avec commentaire)

Art. 11 al. 1 LPM: usage notoirement connu d’un signe utilisé dans le contexte du réseau social.

Art. 11 al. 1 LPM: le modèle économique qui consiste à prélever les données des utilisateurs d’un réseau social pour les utiliser contre rémunération constitue  un usage à titre de marque et non en lien avec des produits ou services auxiliaires.

Art. 3 al. 1 LPM: en raison de sa notoriété et compte tenu du fait que majorité des utilisateurs actuels ou potentiels de réseaux sociaux l’attribue à Facebook, la marque « FACEBOOK » jouit d’une force distinctive accrue qui s’étend à l’élément « book » seul.

Par arrêt du 23 janvier 2018, le TAF a partiellement admis le recours déposé par Facebook Inc. contre la décision de l’IPI en matière d’opposition.

L’IPI avait refusé les oppositions fondées sur les marques « FACEBOOK » (CH N° 550735 et 571174) contre l’enregistrement de la marque « StressBook » (CH N° 663952) pour des logiciels en classe 9, divers services de la classe 35 et les indications générales de la classe 42.

Le TAF admet partiellement l’opposition et ce faisant radie la marque attaquée « StressBook » pour les logiciels de classe 9 et pour l’essentiels des services de la classe 42.

La décision de l’IPI

L’usage des marques opposantes « FACEBOOK » ayant été contesté par le titulaire de la marque attaquée « StressBook », l’IPI a tout d’abord statué sur cette question.

Il a constaté que l’opposante n’avait pas rendu vraisemblable l’usage de ses marques. Il a toutefois considéré que leur usage était un fait notoirement connu de l’autorité en relation avec les services de fourniture d’accès gratuite à un réseau informatique de données pour des réseaux sociaux en classe 42 et avec les services en amont, à savoir mise en ligne, présentation, affichage, taggage et transmission électronique d’informations et de clips audio et vidéo, ainsi que des services de fournitures d’accès à des informations, du son et des vidéos au moyen de site Internet en classe 38.

L’IPI a nié la similarité des services de la classe 35 de la marque attaquée avec les services des marques opposantes. Pour le reste, les produits et services ont été considérés comme identiques ou similaires. Une similarité des signes en présence a été retenue.

Examinant le risque de confusion, l’Institut a considéré que l’élément commun « book » avait une force distinctive faible. Bien que la marque « FACEBOOK » soit notoirement connue, ce qui augmente sa force distinctive, l’IPI a retenu que le seul élément commun « book » ne contribuait pas à la protection élargie du signe dans son ensemble, de sorte que les différences présentées par les signes suffisent à écarter un risque de confusion.

L’arrêt

Usage des marques opposantes

Le TAF examine l’usage des marques opposantes. Celles-ci sont enregistrées pour des services des classes 35 (notamment publicité), 38 (notamment télécommunication) et 42, sous l’angle des faits notoirement connus de l’autorité.

Le TAF retient pour généralement connu que l’opposante exploite et a exploité durant la période de référence un réseau social digital nommé « FACEBOOK », que durant cette période, un grand nombre de personnes et d’entreprises ont utilisé ce réseau en tant que réseau social ou page d’entreprise et que ce réseau a pour fonction principale de connecter des personnes et de permettre aux entreprises de faire leur publicité.

Sous l’angle de l’usage partiel, le TAF affirme au demeurant que la publicité par Internet est prototypique de l’indication générale « publicité ».

Le TAF laisse ouverte la question de savoir si la possibilité offerte aux entreprises de faire leur publicité sur « FACEBOOK » constitue un service de publicité au sens de la classe 35, ce que l’IPI contestait. Le TAF estime en effet que la simple mise à disposition du support permettant une mise en ligne de la publicité constitue de toute manière un tel service. Il admet dès lors comme un fait notoirement connu l’usage en lien avec le service de publicité en classe 35.

Les juges administratifs fédéraux ajoutent ensuite que l’opposante exploite une application pour téléphone mobile nommée « FACEBOOK » et un site Internet www.facebook.com qui permettent l’accès au réseau social en question. La mise à disposition de ce site Internet constitue, selon le TAF, un service, alors que l’application mobile est considérée comme un produit de la classe 9.

Le TAF retient pour ces motifs comme étant un fait notoirement connu que l’opposante a utilisé ses marques en exploitant le réseau social « FACEBOOK » pour divers produits et services des classes 9, 35, 38 et 42.

En revanche, le TAF n’a pas retenu comme étant notoirement connu l’usage de la marque opposante 1 pour de la gestion des affaires commerciales, l’administration commerciale et les travaux de bureau en classe 35.

Ensuite, le TAF considère que le lien entre le signe « FACEBOOK » et les produits et les services est si manifeste et étroit que les destinataires le perçoivent comme un signe distinctif de produits et services (usage à titre de marque) et non comme un simple renvoi à l’entreprise (usage à titre de raison de commerce).

Enfin, le TAF souligne que la contre-partie de l’usage de son réseau social et des produits et services enregistrés n’est pas financier, mais  l’attention et les données de ses clients. Ces données permettraient à la recourante de vendre de la publicité. L’utilisation gratuite du réseau social par des privés serait la condition nécessaire qui permet ensuite à celle-ci d’obtenir des revenus. Ainsi, l’usage des marques pour les produits et services enregistrés ne serait pas un simple service de promotion d’un autre service (de publicité), mais il permettrait la vente de publicité. Il s’agit ainsi d’un élément indépendant du modèle économique de la Facebook Inc. Le TAF retient ainsi un usage commercial des marques opposantes.

Examen des motifs relatifs d’exclusion

Examinant ensuite à l’existence de motifs relatifs d’exclusion de la protection de la marque attaquée « StressBook », le TAF retient ce qui suit:

Une identité ou une similarité des produits et services en cause est retenue à l’exception des services scientifiques, travaux de recherches et les services de design y relatif ainsi que les services d’analyse et recherches industrielles de la classe 42 de la marque attaquée. Il note en particulier dans ce contexte qu’une extension du champ de protection de la marque opposante à d’autres produits ou services en application de l’art. 15 LPM applicable aux marques de haute renommée ne peut être invoquée en procédure d’opposition.

Avec l’IPI, le TAF admet la similarité des marques opposées, celles-ci coïncidant sur les plans visuel et phonétique. En particulier, l’usage de lettres minuscules et majuscules ne permettraient pas d’écarter cette similarité.

Le TAF retient également, comme l’IPI, que les marques opposantes jouissent d’une force distinctive accrue en raison de leur notoriété. Cette notoriété s’entendrait selon le TAF également à l’élément « book » seul. Le TAF se fonde pour cela sur une étude démoscopique produite par le recourante montrant que ce terme est attribué à Facebook par 62 % des utilisateurs actuels et potentiels des réseaux sociaux. Ainsi, même si l’élément « book » devait être considéré comme étant ayant une force distinctive faible, cette faiblesse serait compensée par sa notoriété.

Contrairement à l’avis de l’IPI, le TAF considère en revanche que l’élément « book » n’est pas descriptif en relation avec les produits et services en cause. Il ne peut en effet s’agir d’un renvoi à leur contenu. Il en irait de même pour les mises à dispositions de médias électroniques de la classe 9. Un effort de réflexion serait en effet nécessaire, puisque ces produits ne sont per se pas des livres.

Dans ces conditions, le TAF reconnaît l’existence d’un danger de confusion entre les marques « FACEBOOK » et « StressBook ».

(arrêt B-681/2016 du 23 janvier 2018)

Commentaire

Cet arrêt suscite de notre part en particulier les remarques suivantes.

Dans le résumé de l’arrêt iMessage, nous avions déjà relevé que l’appréciation par le TAF de l’usage d’un signe en relation avec des produits et services, en particulier « technologiques », manque d’exactitude. Il en va également ainsi dans l’arrêt dont il est question ici.

En effet, si on ne peut nier le caractère notoirement connu du signe FACEBOOK relativement à l’usage à titre de marque, tout autre est la question de savoir à quels produits et services il faut étendre cette protection (cet usage?).

Cet examen présuppose de définir soigneusement quels produits ou services sont offerts sous la marque et, ensuite, de les rattacher à ce qui figure au registre. Cette deuxième étape est la plus délicate, car elle présuppose de bien définir la nature des produits et services enregistrés en terme de classification de Nice (cf. à ce propos: TF 4A_444/2013 – G5).

En l’occurrence, dans son examen (cf. consid. 4.4 de l’arrêt), le TAF procède à un examen relativement succinct de ce qu’offre Facebook Inc. et rattache ces activités aux produits et services enregistrés sans bien définir la nature de ces derniers. Cet examen lacunaire est particulièrement marquant s’agissant des services de publicité.

En effet, en termes de classification de Nice, le service de publicité est un service qui est offert par une entreprise à un tiers et vise à faire la publicité de ce dernier, par exemple par le biais d’une campagne publicitaire. Elle suppose que l’entreprise offre une prestation publicitaire au tiers. Contrairement à l’avis du TAF, on ne peut, sans arbitraire, admettre que le simple fait de permettre la mise en ligne sur un réseau social d’annonces publicitaires est un service de publicité au sens de la classification de Nice. Il ne s’agit pas non plus d’un service de diffusion de matériel publicitaire par Internet (cl. 35), puisque le diffuseur est le tiers lui-même et non le réseau social.

S’agissant de l’examen de la force distinctive des marques « FACEBOOK », l’argumentation du TAF qui étend la notoriété du réseau social à l’élément « book », est également discutable, d’autant plus au regard de l’usage généreusement accepté de ces marques. En procédant ainsi, le TAF confère en quelque sorte un monopole à Facebook sur le terme « book », alors que rien ne le justifie objectivement.

En effet, l’examen du TAF se limite au secteur des réseaux sociaux. Or, rien au registre ne permet de considérer que la marque attaquée est enregistrée dans ce seul secteur.

De plus, l’appréciation par le TAF du sondage est discutable. Assimiler les utilisateurs actuels ou potentiels de réseaux sociaux, qui attribuent à 62 % « book » à Facebook, aux cercles des destinataires déterminants ne convainc pas. Dans tous les cas, le résultat de ce sondage d’opinion ne serait plausible que si les questions ont été posées dans un contexte strict de réseaux sociaux. En revanche, si les questions ont été posées dans un contexte neutre, il paraît douteux que 62% des sondés associe le terme « book » a Facebook. En effet, le terme « book » est utilisé en Suisse largement au-delà d’un lien avec Facebook. Une rapide consultation d’un dictionnaire (en l’occurrence, le Petit Robert) ou dans la presse (cf. www.swissdox.ch) permet de s’en convaincre.

voir aussi à ce sujet: MISCHA SENN/MARC WULLSCHLEGER, Zur Verwechslungsgefahr bei teilidentischen Wortmarken: Zugleich eine Besprechung des Entscheids «Facebook/StressBook», sic! 7+8, 2018, 393.

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