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SCHWEIZERISCHE ÄRZTEZEITUNG

TAF, arrêt B-2461/2020 du 12 mai 2023 – motifs absolus, appartenance au domaine public, imposition niée, recours rejeté

Art. 2 let. a LPM : Les revues spécialisées de la classe 16 s’adressent aussi bien aux cercles spécialisés qu’aux consommateurs finaux intéressés. Une limitation thématique n’est pas une caractéristique inhérente à une revue spécialisée et ne change pas la nature du produit revue spécialisée.

Art. 2 let. a LPM in fine : Il faut admettre qu’une marque verbale ne peut en principe pas être utilisée sans une certaine présentation graphique. On ne peut donc pas d’emblée refuser des moyens de preuve tendant à rendre vraisemblable une imposition présentant la marque avec une adjonction de couleurs ou avec d’autres éléments figurant aux côtés de la marque.

Art. 2 let. a LPM in fine: L’usage de la marque dans une autre langue nationale peut être pris en compte dans la mesure où il rend vraisemblable, par exemple grâce à une grande notoriété et à une similitude linguistique des signes, la reconnaissance de la marque aussi dans une autre région linguistique. L’utilisation de la marque dans une autre langue nationale, à la place du signe en cause, peut, dans de tels cas, suffire pour la région linguistique concernée.

L’affaire porte uniquement sur la question de l’imposition dans le commerce du signe «Schweizerische Ärztezeitung» (CH 62672/2016) pour des revues spécialisées dans le domaine de la profession médicale (classe 16).

La recourante a rendu vraisemblable l’usage en lien avec les produits revendiqués depuis 1920 dans toute la Suisse. Toutefois, contrairement à ce qu’elle soutient, sa revue ne s’adresse pas qu’à des médecins, mais aussi à un large public intéressé par le thème en question. Si elle peut rendre vraisemblable la perception de son signe comme marque auprès des médecins, elle échoue à le faire par rapport à ce public plus large.

Avant d’aboutir à cette conclusion et de rejeter le recours, le TAF examine les différentes conditions de l’imposition et apporte à cet égard des précisions intéressantes qui sont résumées ci-après.

Milieux concernés déterminants

Le TAF rappelle tout d’abord que les produits revendiqués doivent être définis uniquement de manière objective et qu’une limitation thématique n’est pas une caractéristique inhérente à une revue spécialisée.

En l’espèce, la recourante a revendiqué la protection de la marque pour des revues spécialisées dans le domaine de la profession médicale. Cependant, le thème de ces revues ne change rien au caractère objectif, à la nature du produit revue spécialisée.

Une revue spécialisée dans le domaine de la profession médicale traite de la profession de médecin et des thèmes liés à cette profession et à la santé. Cela inclut les questions de politique de santé et relatives au système de santé. Si une telle revue s’adresse en premier lieu aux médecins, elle intéresse également un cercle plus large de personnes qui se préoccupent de ces thèmes, comme par exemple le personnel soignant médical et les personnes en formation dans ce domaine.

La recourante plaide que les revues en question ne s’adressent qu’à un public spécialisé de médecin dont la très large majorité ont un abonnement. Elle méconnait que la diffusion effective de la marque n’a pas d’influence sur la détermination du cercle du public. Peu importe donc la proportion de médecins abonnés à la revue par rapport aux non-médecins. Le cercle des destinataires déterminant ne se déduit pas du cercle des acheteurs effectifs.

Ainsi le TAF ne s’écarte pas de la jurisprudence de longue date selon laquelle les revues ou périodiques spécialisés de la classe 16 s’adressent aussi bien aux cercles spécialisés qu’aux consommateurs finaux intéressés (TF 4A_65/2022 du 6 mai 2022 – «Factfulness»).

Moyens de preuves produits

À l’appui de la vraisemblance de l’imposition sa marque, la recourante a notamment produit les copies de diverses couvertures de la «Schweizerische Ärztezeitung» (Bulletin des médecins suisses) des années 1920 à 2019, des exemples de publicité destinée aux professionnels, l’extrait du registre du commerce et ses statuts ainsi qu’un sondage des lecteurs «Presse médicale spécialisée 2017».

Il s’agit, d’une part, de preuves en relation avec l’usage de la marque et, d’autre part, d’une preuve en relation avec la perception de la marque. La recourante estime qu’elle prouve ainsi un usage de la marque pendant 100 ans sur l’ensemble du territoire suisse, à l’attention du cercle des médecins en Suisse qui, selon elle, est déterminant pour les produits revendiqués.

Usage sous forme divergente

Le signe «Schweizerische Ärztezeitung», déposé ici en tant que marque verbale, a été le plus souvent utilisé en combinaison avec les lettres «SÄZ» mises en évidence graphiquement. L’IPI, suivant une approche formaliste, avait rejeté ces moyens de preuves.

Pour le TAF, il faut admettre qu’une marque ne peut en principe pas être utilisée sans une certaine présentation graphique. Dès lors, on ne peut reprocher à la recourante ni l’adjonction de couleurs à la marque ni le fait que d’autres éléments figurent aussi sur la page de titre de la revue aux côtés de la marque.

Lieu de l’usage

La règle est que les moyens de preuve doivent couvrir un usage pour toute la Suisse. Toutefois, l’intensité ne doit pas nécessairement être la même dans toute la Suisse. Elle peut présenter des variations selon les régions linguistiques.

Là aussi, l’approche trop formaliste de l’IPI, qui avait considéré que les moyens de preuves ne portaient pas sur un usage couvrant toute la Suisse, n’est pas validée par le TAF.

Certes, en règle générale, il faut poser des exigences élevées pour admettre l’imposition d’une marque verbale déposée dans une langue nationale, mais utilisée dans différentes régions linguistiques en traduction, afin que son imposition dans cette langue paraisse crédible dans toutes les régions linguistiques. Toutefois, l’usage de la marque dans une autre langue nationale peut être pris en compte dans la mesure où il rend vraisemblable, par exemple grâce à une grande notoriété et à une similitude linguistique des signes, la reconnaissance de la marque aussi dans une autre région linguistique. L’utilisation de la marque dans une autre langue nationale, à la place du signe en cause, peut, dans de tels cas, suffire pour la région linguistique concernée.

En l’espèce, le TAF retient que la revue paraît depuis 1920 de manière hebdomadaire dans des éditions séparées en allemand et en français. Compte tenu du fait que la revue en question est le journal de l’association de la recourante, que celle-ci a des membres dans toute la Suisse et que des médecins italophones ou romanches reçoivent également la revue litigieuse en raison de leur affiliation, le TAF en conclut que ceux-ci peuvent choisir entre les deux versions disponibles et que la revue paraît dans tout le pays. Selon la langue d’édition, le titre principal est «Schweizerische Ärztezeitung» ou «Bulletin des médecins suisses». Cependant, toutes les éditions comportent également les traductions du titre principal dans les autres langues nationales, bien qu’en caractères plus petits.

Pour le TAF, la recourante démontre ainsi de manière crédible qu’elle édite depuis 1920 un journal hebdomadaire paraissant dans toute la Suisse, sur la couverture duquel la marque verbale litigieuse – indépendamment de la langue d’édition – est clairement et distinctement identifiable et perceptible en tant que telle.

Perception du signe

La perception du signe en tant que marque doit être rendue vraisemblable pour l’ensemble des milieux concernés. Or la recourante est partie, à tort, du principe que les milieux concernés se réduisaient aux médecins. Les moyens de preuves qu’elle a fournis n’englobent pas le cercle du public des consommateurs moyens. Par conséquent, le TAF conclut que la recourante n’a pas rendu vraisemblable l’imposition de son signe et rejette le recours.

(TAF B-2461/2020 du 12 mai 2020)

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