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LOTERIE ROMANDE (fig.)

TAF, arrêts B-5280/2018 et B-5382/2018 du 25 septembre 2020 – motifs absolus, indication de provenance, risque de tromperie géographique

Art. 47 al. 1 LPM: L’élément «ROMANDE» renvoie à la partie francophone de la Suisse et constitue une indication de provenance des produits de la classe 28 et des services de la classe 41.

Art. 2 let. c et 49 al. 1 LPM: Dans le cadre de la procédure d’enregistrement d’une marque de services, une indication de provenance n’est pas propre à induire en erreur si le déposant rend vraisemblable qu’elle est exacte au sens de l’art. 49 al. 1 LPM. Si tel est le cas, une limitation à la provenance géographique des services n’est pas requise (confirmation de l’arrêt TAF B-5011/2018 du 25 mai 2020 – «SWISS RE – WE MAKE …» ).

Le TAF admet les deux recours formés par la Société de la Loterie de la Suisse Romande contre les décisions de l’IPI refusant l’enregistrement sans limitation à la Suisse des services revendiqués en classe 41 (organisation de loteries; services de jeux d’argent; mise à disposition de jeux proposés en ligne à partir d’un réseau informatique) des marques combinées«JOUEZSPORT ! LOTERIE ROMANDE (fig.)» (CH 50818/2018) et «LOTERIE ROMANDE (fig.)» (CH 56314/2017).

 Il rejette en revanche les recours en ce qui concerne les produits appartenant à la classe 28, relevant du domaine des jeux. En lien avec ceux-ci, le TAF confirme que l’élément «Romande» constitue une indication de provenance et qu’une limitation adéquate de la liste des produits à la Suisse est requise.

Demande de suspension rejetée

L’arrêt TAF B-5011/2018 du 25 mai 2020 « SWISS RE – WE MAKE …» portait également sur la question de savoir si une marque de services contenant une indication de provenance pouvait être enregistrée sans limitation lorsque les conditions de l’art. 49 al. 1 LPM étaient remplies au moment de l’enregistrement. Or, cet arrêt fait l’objet d’un recours devant le TF.

Pour l’IPI, la décision à venir du TF dans cette affaire était susceptible d’avoir une influence sur le sort de ces deux recours. Il a donc requis la suspension de ces procédures. Le TAF rejette la suspension au motif qu’il n’y a aucun risque que sa décision soit contradictoire avec celle du TF.

Pas de limitation de la liste des services

Le TAF confirme que l’élément «ROMANDE» constitue une indication de provenance en lien avec les services et les produits en question.

Cependant, se référant à sa décision «SWISS RE » précitée, il estime que si la déposante rend vraisemblable qu’elle est la société qui fournit les services revendiqués et qu’elle remplit les conditions de l’art. 49 al. 1 LPM, les marques peuvent être enregistrées sans limitation de la liste des services.

En l’espèce, la déposante a son siège en Suisse et, selon le registre du commerce, une majorité des personnes aptes à engager la société ont leur domicile en Suisse. Par conséquent, les exigences de l’art. 49 al. 1 LPM sont, selon la jurisprudence précitée, manifestement remplies par la déposante. Les signes en cause peuvent dès lors être enregistrés en tant que marque sans aucune limitation de la liste des services à la Suisse.

Le TAF, contrairement à l’IPI, affirme enfin qu’il n’est pas déterminant au regard de l’art. 2 let. c LPM que les marques puissent, à l’avenir, être transférées à un tiers qui, par hypothèse, ne remplirait pas les conditions de l’art. 49 LPM.

Aucune exception à la règle d’expérience en lien avec les produits

En lien avec les produits relevant du domaine des jeux (cl. 28), le TAF confirme qu’aucune exception à la règle d’expérience n’est applicable. L’élément «ROMANDE» est dès lors compris comme une indication de provenance au sens de l’art. 47 al. 1 LPM. Les marques ne peuvent être enregistrées que moyennant une limitation idoine de la liste de produits.

La recourante a fait valoir en vain plusieurs arguments.

Renvoi de l’indication à l’entreprise

Tout d’abord, elle expose que le public comprend du signe que c’est l’entreprise («loterie») qui est qualifiée de «romande» et donc rattachée à la Suisse romande, et non les produits que cette entreprise commercialise.

Le TAF précise que l’indication «LOTERIE ROMANDE» est comprise par le public francophone comme la «désignation d’un jeu de hasard lié à la partie francophone de la Suisse». Même s’il se réfère à la loterie, l’élément «ROMANDE» est aussi perçu en tant que référence à la provenance des jeux de loterie, au motif que ceux-ci entretiennent des liens étroits avec la notion de loterie.

Imposition du signe dans le commerce

La recourante soutient deuxièmement que l’élément «LOTERIE» n’est pas perçu comme une indication de provenance des produits en cause, mais exclusivement comme un renvoi à une entreprise déterminée, autorisée à exploiter les jeux sur le territoire considéré. Elle indique être notoirement connue du public sous l’enseigne «Loterie Romande». La recourante invoque donc l’exception du « nom géographique [qui] s’est imposé dans l’esprit du public comme le nom d’une entreprise déterminée » (cf. ATF 135 III 416 consid. 2.6.4 – CALVI [fig.]; ATF 128 III 454, consid. 7.2.1 – YUKON).

Le TAF souligne à ce propos que le risque de tromperie n’est exclu que si la désignation géographique a acquis une seconde signification propre clairement prédominante (secondary meaning). Or, en l’espèce, même si l’indication «LOTERIE ROMANDE» est perçue comme un renvoi à une entreprise déterminée, l’élément «ROMANDE» n’a pas acquis une seconde signification non géographique.

Provenance commerciale

La recourante fait valoir encore l’exception de la provenance commerciale déduite de l’arrêt CREPI MA-AA 04-07/01 du 9 octobre 2002 – ÖKK Öffentliche Krankenkassen Schweiz (fig.). Selon cette exception, pour qu’un nom géographique contenu dans un signe ne soit pas compris comme une indication de provenance en lien avec des produits déterminés, il faut que le signe contienne un renvoi à une entreprise, qu’il contienne une information précise du domaine d’activité de l’entreprise et que ce domaine d’activité n’ait aucun lien avec les produits revendiqués.

Or, en l’espèce, si les deux premières conditions sont remplies, la troisième ne l’est manifestement pas. Les produits revendiqués entretiennent un rapport évident avec le domaine de la loterie.

Lieu de vente

La recourante soutient finalement que l’élément «ROMANDE» ne se réfère pas à la provenance des produits en cause, mais uniquement à leur lieu de vente (cf. IPI, Directives 2019, Partie 5, ch. 8.4.7.2). Le TAF conclut, à cet égard, que les éléments «LOTERIE» et «ROMANDE» – pris individuellement ou combinés –, ne sont pas suffisamment précis pour désigner un lieu déterminé de vente des produits en cause. Selon le TAF la désignation «LOTERIE ROMANDE» est en revanche clairement perçue en tant qu’indication relative aux produits en question.

Aucune exception à la règle d’expérience n’est en l’espèce applicable. Sans limitation des produits en classe 28 à la provenance suisse, les signes en cause sont propres à induire en erreur au sens de l’art. 2 let. c LPM.

Le TAF n’admet donc que partiellement les recours.

(Arrêt TAF B-5280/2018; B-5382/2018 du 25 septembre 2020)

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