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RITZ / RITZCOFFIER

TAF, arrêt B-5177/2017 du 19 novembre 2019 – motifs relatifs, marque notoirement connue en Suisse, fait notoire (refusé)

Art. 3 al. 2 let. b LPM et fait notoire (au sens de l’art. 151 CPC): Seuls les signes dont il n’est pas raisonnablement possible de discuter la notoriété en raison de leur généralisation dans le commerce ou de leur imprégnation dans la culture populaire peuvent être dispensés du fardeau de prouver cette notoriété. Tel n’est pas le cas de «RITZ».

Le TAF confirme le rejet par l’IPI de l’opposition formée par The Ritz Hotel Limited sur la base de sa marque prétendument notoire «RITZ» contre la marque «RITZCOFFIER» (CH 674’516).

La marque attaquée «RITZCOFFIER» est enregistrée pour différents produits et services en classes 8, 9, 16, 21, 29, 30, 32, 41 et 43.

Hotel Ritz, Paris

La marque opposante «RITZ» n’a jamais été enregistré en Suisse. The Ritz Hotel Limited se fonde donc sur l’art. 3 al. 2 let. bLPM et fait valoir que sa marque est notoirement connue en Suisse pour des services d’hôtellerie.

Les principes de l’opposition basée sur une marque notoirement connue

L’opposition à l’enregistrement d’une marque doit se baser sur une marque antérieure. Par marques antérieures, on entend également les marques qui, au moment du dépôt du signe attaqué, sont notoirement connues en Suisse au sens de l’art. 6bis de la Convention de Paris et de l’art. 3 al. 2 let. b LPM.

Pour prétendre à la protection de l’art. 3 al. 2 let. b LPM, la marque notoirement connue en Suisse doit avoir déjà acquis sa notoriété au moment du dépôt de la marque postérieure. Il faut en outre que la marque soit protégée à l’étranger. Un enregistrement du signe à l’étranger n’est toutefois pas requis, pour autant que la législation du pays en question prévoie une protection par l’usage.

La possibilité de fonder une opposition sur une marque qui n’est pas enregistrée en Suisse constitue une exception au principe selon lequel un signe n’est protégé que s’il est enregistré comme marque (principe de l’enregistrement). Pour cette raison, la jurisprudence et la doctrine considèrent que l’art. 3 al. 2 let. b LPM doit être interprété restrictivement (ATF 130 III 256, consid. 4.4.).

Selon la jurisprudence, le caractère notoirement connu en Suisse d’une marque ne présuppose pas qu’elle y soit utilisée. Il faut toutefois que le signe soit notoirement connu en Suisse en tant que marque pour les produits et services en cause par le cercle des destinataires concernés. Généralement, un degré de connaissance supérieur à 50% des individus dans l’un de ces cercles est suffisant.

En principe, la notoriété de la marque doit être démontrée par l’opposant. A cet égard, la preuve adéquate est le sondage d’opinion. Il est cependant admis que la notoriété d’une marque puisse être un fait notoire (au sens de l’art. 151 CPC), c’est-à-dire un fait connu du tribunal qu’il n’est pas nécessaire de prouver. Le TAF parle alors de «marque notoirement notoire».

La notoriété en Suisse du signe «RITZ» n’est pas un fait notoire

L’IPI n’a pas retenu comme un fait notoire la notoriété de la marque opposante «RITZ» et n’a pas considéré comme suffisantes les preuves. Le TAF estime également qu’en l’absence d’un sondage d’opinion, les éléments de preuves produits par la recourante ne disent rien sur la notoriété au auprès du public suisse, mais ne font qu’établir la présence d’un hôtel de luxe au Paris portant le nom «RITZ».

Le Dîner à l’hôtel Ritz (1904), Jeanniot

L’argument du The Ritz Hotel Limited est ailleurs. Elle estime ne pas avoir à prouver la notoriété de sa marque en Suisse, ce fait étant amts- ou gerichtsnotorisch.

Faisant preuve d’une extrême retenue et suivant une application très restrictive de l’art. 3 al. 2 let. b LPM, le TAF estime qu’il n’est pas certain que la marque « RITZ » soit connue pour des services d’hôtellerie par plus de 50% des individus pris dans le grand public.

Il estime que seuls les signes dont il n’est pas raisonnablement possible de discuter la notoriété en raison de leur généralisation dans le commerce ou de leur imprégnation dans la culture populaire peuvent être dispensés du fardeau de prouver cette notoriété.

Pour le TAF, tel n’est pas le cas de la marque «RITZ» qui, quoique prestigieuse, ne renvoie pas à un imaginaire singulier. Il rejette donc le recours et confirme le rejet de l’opposition.

(TAF, arrêt B-5177/2017 du 19 novembre 2019)

Remarque

Love in the afternoon (1957), Wilder

Il est regrettable de devoir constater que le «Ritz», ayant accueilli et hébergé Place Vendôme parmi les plus admirables (et les plus abominables) personnalités et esprits du siècle passé, ne véhicule pas un imaginaire singulier chez plus 50% du public suisse.

Cela est d’autant plus triste que, selon notre Haute cour, ce même public ne comprend plus «pomme» en lisant «apple» sur un pendentif ou un jouet, mais y voit un fabricant de machines électroniques installé outre-Atlantique…

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