TAF, arrêt B-2418/2022 du 25 octobre 2023 – motifs absolus, appartenance au domaine public niée, recours admis
Art. 2 let. a LPM : Il n’est pas déterminant de savoir si l’élément figuratif de la marque présente un certain contenu informatif et correspond à une représentation visuelle de l’objet des services (ici les chiens guides d’aveugles). En outre, le fait qu’un signe figuratif ne s’écarte pas suffisamment de ce qui est habituel et attendu n’est pas déterminant en soi, contrairement à ce qui prévaut dans l’examen des marques de forme. Ce qui est déterminant, c’est de savoir s’il résulte de la combinaison des éléments verbaux et figuratifs du signe, dans l’impression d’ensemble, un sens descriptif des services en cause, directement compréhensible.
Le TAF admet le recours formé par la déposante du signe «Stiftung Schweizerische Schule für Blindenführhunde (fig.)» (CH 75342/2018) ci-contre.
L’IPI avait estimé que le graphisme ne se distinguait pas suffisamment des représentations habituelles de chiens guides d’aveugles (ou d’autres chiens d’assistance) dans le domaine des services revendiqués en classes 41 (formation de chiens guides d’aveugles, de chiens d’assistance) et 44 (élevage de chiens). Il avait en outre retenu que l’impression générale de la représentation était schématique et n’était pas suffisamment complexe pour conduire à un caractère distinctif. Au contraire, l’élément figuratif renforcerait le caractère descriptif des éléments verbaux.
L’élément verbal est directement descriptif des services proposés
L’élément verbal du signe se compose de «Stiftung Schweizerische Schule für Blindenführhunde Allschwil» (Fondation école suisse pour chiens guides d’aveugles d’Allschwil) et «Blindenführhunde Assistenzhunde Autismusbegleithunde Sozialhunde» (chiens guides d’aveugles – chiens d’assistance – chiens d’accompagnement pour autistes – chiens sociaux).
Le public visé, qui accorde une attention accrue à des services aussi spécifiques, comprendra sans peine qu’il s’agit d’une école suisse pour chiens-guides d’aveugles, organisée sous forme de fondation, et qu’elle se trouve à Allschwil. La deuxième partie est comprise comme une précision de la première, à savoir qu’une école de chiens guides d’aveugles à Allschwil propose les types de chiens énumérés.
En relation avec les services revendiqués, l’élément verbal décrit donc directement les activités de l’école. Il est en soi dépourvu de caractère distinctif.
Les pictogrammes en droit des marques
Par pictogrammes, on entend des représentations figuratives, schématiques et symboliques qui ont généralement un caractère d’indication ou d’invitation à une action (TAF B-3088/2016 du 30 mai 2017 – « fig. » (note de musique). Le pictogramme a pour fonction de transmettre une information abstraitement symbolisée de manière graphique.
Certains pictogrammes sont courants et habituels sur le marché. Les signes qui ne s’en distinguent pas suffisamment ne sont pas perçus comme un renvoi à une entreprise déterminée, mais sont reconnus comme des signes descriptifs (TF 4A_492/2022 du 13 mars 2023 – (fig.) « pictogramme Podcast », voir aussi les Directives en matière de marques de l’IPI, 01.01.2024, Partie 5, ch. 4.8).
Le caractère distinctif d’un pictogramme ne doit toutefois pas être systématiquement refusé. Il convient plutôt d’examiner si l’illustration peut être reconnue comme une indication de provenance commerciale en raison de sa conception graphique.
La simplicité conceptuelle du graphisme n’est pas en soi un motif de refus
Le TAF estime, contrairement à l’IPI, qu’il n’est pas déterminant de savoir si l’élément figuratif présente un certain contenu informatif et correspond à une représentation visuelle des «chiens guides d’aveugles». Le fait qu’un signe figuratif ne s’écarte pas suffisamment de ce qui est habituel et attendu n’est pas déterminant en soi, contrairement à ce qui prévaut dans l’examen des marques de forme. Il n’est donc pas requis que l’élément figuratif se distingue des représentations habituelles de ce type spécifique de chiens.
En outre, le TAF rappelle qu’une certaine simplicité conceptuelle du graphisme n’est pas en soi un argument pour refuser l’enregistrement d’une marque. Ainsi, les pictogrammes peuvent, précisément en raison de leur simplicité, présenter un caractère marquant qui conduit à un caractère distinctif. Les pictogrammes, auxquels une simplicité conceptuelle est inhérente, peuvent donc tout à fait être distinctifs en raison précisément de leur concision.
Ce qui est déterminant, c’est de savoir s’il résulte de la combinaison des éléments verbaux et figuratifs du signe, dans l’impression d’ensemble, un sens descriptif des services en cause, directement compréhensible. C’est là le message de l’arrêt B-4260/2020 – 100% PURE CACAO FRUIT WHOLEFRUIT (fig.) du 2 mars 2021.
L’élément graphique est distinctif
En l’espèce, l’élément figuratif représente symboliquement un chien. Le graphisme reprend certaines règles de présentation typiques des pictogrammes: symbolisation du dessin, tracé et épaisseur de trait uniformes, lignes droites, en partie parallèles.
Cela étant, cet élément graphique jouit d’un style individuel reconnaissable et suffisamment imaginatif. S’il présente un lien direct avec les caractéristiques des services en cause, il ne les décrit pas directement. Pour le TAF, le graphisme est donc suffisamment distinctif par rapport aux services revendiqués. La représentation épurée ne plaide pas contre le caractère distinctif. Au contraire, l’image abstraite du chien est un élément qui reste bien ancré dans la mémoire des acheteurs. Cet élément figuratif se distingue d’illustrations banales et peu évocatrices qui, dans leur ensemble, ne confèrent pas le caractère distinctif requis (cf. ATF 148 III 257 – PUMA WORLD CUP QATAR 2022 / QATAR 2022 (fig.)). Dans l’ensemble, l’élément figuratif marque le signe de manière prépondérante, si bien que les éléments verbaux, descriptifs, passent à l’arrière-plan.
Le TAF admet ainsi le recours et enregistre le signe pour les services revendiqués.