TAF, arrêt B-361/2021 du 17 février 2022 – motifs relatifs, force distinctive d’une marque imposée, risque de confusion admis, recours admis
Art. 3 al. 1 let. c LPM: Sont exclus de l’enregistrement les signes similaires à une marque antérieure et destinés non seulement à des produits identiques (eaux minérales en l’occurrence), mais aussi à des produits similaires (bières), lorsqu’il en résulte un risque de confusion. Ce principe vaut aussi pour les marques imposées, telle que la marque opposante «Valser».
Le TAF admet le recours formé par la titulaire de la marque antérieure «VALSER (fig.)» (CH 689’694) contre la décision de l’IPI rejetant l’opposition contre l’enregistrement de la marque verbale «Valser Bier – Das Original Bernstein Oberbräu» (CH 744’975).
Marque opposante
La marque opposante a été enregistrée comme marque imposée pour les eaux minérales provenant de Vals (cl 32). La marque attaquée est enregistrée pour des bières provenant de Suisse (cl. 32).
Décision de l’IPI
L’IPI a retenu une similarité des produits et des signes. Il a toutefois estimé que la marque opposante ne s’était imposée dans le commerce qu’en lien avec les eaux minérales. En lien avec les autres produits, notamment les bières, l’élément «Valser», qui désigne la provenance des produits, appartiendrait au domaine public. Dès lors que la concordance entre les signes ne porte que sur cet élément, l’IPI a rejeté l’opposition.
Champ de protection de la marque imposée «Valser»
Le TAF rappelle d’abord que les marques imposées jouissent en principe d’une force distinctive normale, voir accrue selon les circonstances.
Les juges administratifs rappellent ensuite que selon l’art. 3 al. 1 let. c LPM, sont exclus de la protection les signes similaires à une marque antérieure et destinés non seulement à des produits identiques, mais aussi à des produits similaires, lorsqu’il en résulte un risque de confusion.
Ce principe vaut aussi lorsque la marque antérieure s’est imposée dans le commerce pour un produit particulier (cf. ATF 128 III 441 – Appenzeller Natural). Dans cette affaire, la marque antérieure avait été enregistrée comme marque imposée pour les formages. Le TF a reconnu la protection de cette marque pour les produits similaires au fromage, à savoir les yogourts, la crème, le beurre.
Une protection qui serait restreinte aux seuls produits identiques, comme l’a fait l’IPI en excluant les bières du champ de protection de la marque antérieure, n’est pas compatible avec l’art. 3 al. 1 let. c LPM.
Risque de confusion
Le terme «Valser» est une indication de provenance. En principe, elle peut être utilisée par tous les producteurs du lieu désigné. Lorsque, comme en l’espèce, l’indication est enregistrée comme marque imposée, les autres entreprises qui veulent se référer à ce lieu doivent s’assurer que leur signe se distingue suffisamment de la marque antérieure.
En l’occurrence, la marque attaquée est formée des éléments non distinctifs «Bier», directement descriptif de la nature du produit revendiqué, «Orginal», laudatif et «Bernstein», qui renvoie à la couleur du produit. Le terme «Oberbräu» n’est pas directement descriptif, mais fait fortement allusion au type de brassage («obergäriges Bier»), si bien qu’il ne confère qu’un très faible caractère distinctif au signe. En définitive, la marque attaquée est formée du terme «Valser», repris de la marque antérieure, et d’autres termes très peu ou pas distinctifs.
Pris ensemble, des éléments faibles peuvent donner à l’ensemble un caractère distinctif, notamment si une signification particulière s’en dégage. Tel n’est pas le cas en l’espèce.
Par conséquent, le TAF constate que la marque attaquée ne se distingue que très légèrement de la maque opposante et certainement pas suffisamment pour exclure un risque de confusion, à tout le moins indirect. Les consommateurs comprendront en effet que les bières commercialisées sous le nom «Valser Bier – Das Original Bernstein Oberbräu» ne sont qu’une variante des produits «Valser».
L’opposition et le recours sont admis.