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Saas das Bier (avec remarque)

TF, arrêt 2C-322/2021 du 20 août 2021 – usage trompeur d’une indication de provenance en lien avec une denrée alimentaire

Art. 18 al. 3 LDAI: Malgré la formulation (trop étroite) de l’art. 18 al. 3 LDAI, la protection contre la tromperie interdit non seulement les allégations trompeuses concernant le pays de production, mais aussi les présentations trompeuses concernant d’autres provenances, éventuellement régionales ou locales.

Art. 18 al. 2 LDAI et 47 LPM : La réserve de l’art. 18 al. 2 LDAI en ce qui concerne les dispositions de la LPM relatives aux indications de provenance suisse ne doit pas être comprise de telle manière qu’il ne subsiste pas de champ d’application indépendant pour la protection contre la tromperie selon le droit alimentaire dès qu’une denrée alimentaire porte une indication de provenance au sens des art. 47 ss. LPM.

Le TF confirme le caractère trompeur de l’indication «Saas das Bier», combinée à une étoile valaisanne, apposée sur des bières qui ne sont pas produites au Valais. Il rejette le recours formé par la société qui commercialise cette bière et confirme la décision initiale du Service de la consommation et affaires vétérinaires du Valais.

Le droit alimentaire protège contre la tromperie sur la provenance locale

La bière est une denrée alimentaire (art. 4 al. 1 et al. 2 lit. a LDAI et art. 1 al. 1 lit. g ch. 1 et art. 63 ss de l’ordonnance du DFI du 16 décembre 2016 sur les boissons. Le produit de la recourante doit donc être conforme aux exigences de la législation alimentaire.

La protection contre la tromperie – malgré la formulation (trop étroite) de l’art. 18 al. 3 LDAI- interdit non seulement les allégations trompeuses concernant le pays de production, mais aussi les présentations trompeuses concernant d’autres provenances, éventuellement régionales ou locales, d’une denrée alimentaire (voir ATF 144 II 386, consid. 4.2.3). Cela découle de l’art. 12 al. 1 ODAlOUs, qui parle de tromperie sur la provenance (en général).

L’étiquette en cause est une indication de provenance locale

L’étiquette de la bière fait référence, à divers endroits, à la vallée de Saas, dans le canton du Valais. En particulier, l’indication de provenance «Saas» est placée en gros caractères devant la dénomination spécifique «bière». Au-dessus, l’étiquette du produit comporte une étoile valaisanne aux couleurs blanche et rouge des armoiries cantonales. Sous la désignation, un panorama de montagne est représenté, ce qui crée une référence claire au canton montagneux du Valais. Le consommateur moyen a ainsi l’impression que le produit «Saas das Bier» provient de cette région.

Un correctif ne permet pas d’éliminer la tromperie

L’indication, en petits caractères, du lieu où est effectivement brassée et mise en bouteille la bière ne modifie pas l’attente créé par les autres éléments. La présentation est sans ambiguïté et, par conséquent, les consommateurs n’ont aucune raison objective de supposer que la bière pourrait provenir de n’importe quel endroit en Suisse, en particulier du lieu où la bière est effectivement brassée.

En outre, la protection contre la tromperie telle que prévue par le droit alimentaire vise à protéger les consommateurs contre les fausses représentations causées par une présentation ou un étiquetage trompeurs, sans leur imposer une obligation de se renseigner (voir ATF 144 II 386 consid. 4.4.4).

Le produit de la recourante donne clairement l’impression que ses propriétés caractéristiques lui ont été conférées dans la vallée de Saas, dans le canton du Valais. Or, cette impression ne correspond pas aux faits puisque la bière est incontestablement brassée et embouteillée ailleurs. En conséquence, la présentation de la bière en cause doit être jugée trompeuse au sens de l’art. 18 LDAI et de l’art. 12 al. 1 ODAlOUs.

Indépendance du droit alimentaire par rapport au droit des indications de provenance

La recourante a fait valoir qu’elle a fait examiner sa marque «Saas das Bier» par l’IPI. La marque CH 744978 a été enregistrée en mars 2020, notamment pour des bières provenant de Suisse.

Le TF rappelle ici sa jurisprudence Lozärner Bier (ATF 144 II 386 consid. 4.2.4.2): la réserve de l’art. 18 al. 2 LDAI en ce qui concerne les dispositions de la LPM relatives aux indications de provenance suisse ne doit pas être comprise de telle manière qu’il ne subsiste pas de champ d’application indépendant pour la protection contre la tromperie selon le droit alimentaire dès qu’une denrée alimentaire porte une indication de provenance au sens des art. 47 ss. LPM.

En particulier, l’utilisation d’une indication de provenance licite au sens de la LPM ne justifie pas une présentation de denrées alimentaires qui éveille auprès des consommateurs des représentations erronées sur leur provenance. Les règles de la LPM ne prévalent pas sur celles du droit alimentaire.

En définitive, le TF rejette le recours et confirme la décision cantonale.

(TF 2C_322/2021 du 20 août 2021)

Remarque

Le TF opère une scission entre la législation sur le droit alimentaire d’une part et celle sur les indications de provenance d’autre part relativement à la tromperie géographique.

Pourtant les dispositions concernées, l’art. 18 LDAI et l’art. 47 LPM, visent le même but et se fondent toutes deux sur la perception des destinataires et l’attente qu’un signe ou une présentation éveille chez eux.

Les art. 47ss LPM sont spéciaux par rapport à l’art. 18 LDAI. L’art. 47 al. 1 et 2 définit ce qu’est une indication de provenance et les art. 48ss LPM règlent en (trop de) détails les conditions de son usage. La législation sur le droit alimentaire ne contient pas de règles comparables. A notre avis, la réserve en faveur de la LPM prévue à l’art. 18 al. 2 LDAI signifie qu’en matière d’indications de provenance, il faut se référer exclusivement à la LPM.

Le Message du 25 mai 2011 relatif à la LDAI ne contredit pas cette interprétation, au contraire. En commentaire de l’art. 18 al. 2 LDAI, il est expliqué que celui qui veut utiliser la désignation « Suisse » ou d’autres indications de provenance liées à la Suisse doit impérativement satisfaire aux critères de provenance prévus dans la LPM (FF 2011 5181, 5219). Une seule exception est mentionnée à cet endroit. Elle concerne l’indication du pays de production au sens de l’art. 12 al. 1 let. a) LDAI qui doit obéir aux critères fixés dans la législation sur le droit alimentaire; le pays de production n’étant pas une indication de provenance au sens de l’art. 47 LPM.

En appliquant les deux législations indépendamment l’une de l’autre à la question de la tromperie géographique, on peut aboutir à la situation surprenante dans laquelle la même indication de provenance, utilisée dans le même contexte et sur le même produit, remplirait les conditions de la LPM mais serait néanmoins être trompeuse selon l’art. 18 LDAI. Ce résultat est pourtant délibérément accepté par le TF dans cet arrêt:

Insbesondere rechtfertigt die Verwendung einer im Sinne des Markenschutzgesetzes rechtmässigen Herkunftsangabe keine Aufmachung von Lebensmitteln, die bei den Konsumentinnen und Konsumenten tatsachenwidrige Vorstellungen über die Herkunft erwecken.

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