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Vals (avec commentaire)

TF, arrêt 4A_11/2020 du 18 août 2020 – utilisation d’une indication de provenance, tromperie géographique

Art. 47 al. 2 LPM : Le lieu de fabrication du carrelage, contrairement au lieu d’extraction des pierres, n’a pas une importance matérielle élevé. Il n’est pas faux d’en déduire que le public cible ne comprend pas la désignation Vals comme une indication de la provenance du carrelage, mais comme un renvoi à ses caractéristiques esthétiques.

Le TF rejette le recours formé contre le jugement rendu en 2019 par le tribunal cantonal des Grisons dans une affaire portant sur l’utilisation de l’indication «Vals» dans une brochure publicitaire sur du carrelage et des dalles en céramique.

La plaignante, et recourante devant le TF, est une société active en particulier dans le domaine de l’extraction et la distribution de pierres et de dalles de pierre naturelle. Elle agit contre une société importatrice de carrelage céramique, produit à l’étranger, qui commercialise ces produits en Suisse muni de la désignation «Vals».

A titre de preuve, la plaignante a produit une brochure publicitaire expliquant que le carrelage céramique litigieux est inspiré de la pierre originale de Vals. Cette pierre est un quartz suisse extrait à la main dans une seule carrière près de la petite ville de Vals. Les explications précisent que le carrelage litigieux n’est rigoureusement proposé que dans la couleur naturelle de la pierre d’origine et que sa surface et sa méthode de traitement sont étudiées jusque dans les moindres détails.

Décision de première instance

La plaignante a en substance demandé au tribunal cantonal des Grisons d’interdire à l’intimée d’utiliser à titre commercial les désignations VALS ou VALSER en relation avec des pierres, des dalles ou carrelage en céramique et des matériaux de construction ne provenant pas de la région de Vals et de faire retirer du commerce de tels produits.

Le tribunal des Grisons a rejeté cette demande. Il a conclu que l’utilisation de la désignation VALS dans ce contexte n’était pas comprise par le public cible comme une indication de la provenance des produits de l’intimée, mais comme un renvoi au modèle ou type de carrelage. Dans la brochure, la désignation VALS serait utilisée comme une référence à la conception esthétique du carrelage céramique.

L’utilisation du nom du lieu d’où provient la pierre originale pour indiquer que le carrelage céramique est esthétiquement et visuellement similaire à cette pierre serait une pratique courante dans la branche. En l’occurrence, la désignation VALS servirait donc à distinguer, sur la base d’un critère esthétique, les différentes séries de produits de l’intimée.

Le tribunal cantonal ajoute que, contrairement aux pierres, le carrelage céramique, produit transformé, n’est pas extrait d’un lieu particulier.

Considérants du TF

Le TF rappelle d’abord que la question de savoir si l’utilisation d’une désignation géographique est susceptible d’induire en erreur ne s’examine pas de manière générale, mais dépend au contraire des circonstances du cas d’espèce.

Comme il aime à le dire, doivent en particulier être prises en compte la renommée du mot en tant qu’indication géographique (sic) et en tant que signe distinctif, l’existence d’un rapport réel ou plausible entre cette indication et les produits ainsi dénommés, de même que la présentation de la désignation et les indications complémentaires qui peuvent augmenter ou écarter le danger de confusion.

Il rappelle enfin que le facteur décisif est de savoir si une indication évoque dans le public une association d’idées avec une région ou un lieu particulier et crée ainsi, au moins indirectement, l’idée d’une indication de provenance. Dans ce cas, il existe un risque de tromper le public si les marchandises portant la désignation n’y sont pas fabriquées. En particulier, si une indication évoque dans l’esprit de l’acheteur une association avec un pays, une région ou un lieu qui jouit d’une réputation particulière pour les produits désignés par l’indication, elle est susceptible de créer, au moins indirectement, l’idée d’une indication de provenance.

Le TF rejette le recours au motif que la recourante ne parvient pas à démontrer que, dans le contexte général et compte tenu de l’attention que l’on peut attendre du public, l’utilisation de la désignation VALS dans la brochure serait susceptible de créer un risque de confusion auprès des clients potentiels du carrelage céramique. Il estime que la recourante ne démontre pas qu’il y aurait un risque que ces clients comprennent de la brochure que le carrelage provienne de Vals ou soit constitué effectivement de pierre de Vals, alors qu’il provient en réalité de France.

Dès lors, le TF confirme les conclusions de l’instance inférieure selon lesquelles, dans l’impression d’ensemble, le public cible comprend que la désignation VALS se réfère à un motif ou à l’apparence du carrelage.

Certes, le TF désavoue la cour cantonale relativement à l’application de l’exception «désignation de type» au cas d’espèce. Il reconnaît que le nom Vals n’a pas été choisi au hasard, simplement pour distinguer une série de produits d’une autre. Le nom de lieu (ou de la roche) décrit au contraire une caractéristique du produit, à savoir son apparence. Ainsi, l’indication renseigne objectivement le consommateur et il est possible qu’elle ne corresponde pas aux circonstances réelles. Il existe donc un risque de tromperie. Cependant, ce risque ne porte pas sur la provenance géographique du carrelage mais sur les caractéristiques esthétiques ou visuelles du carrelage, c’est-à-dire sur la question de savoir si le carrelage est orné d’un motif correspondant vraiment à l’apparence d’une pierre originale de Vals.

L’art. 47 al. 3bis LPM, qui étend la protection des indications de provenance au utilisation accompagnée d’expression telles que «genre», «type», «style» ou «imitation» n’est pas applicable, car entré en vigueur le 1er janvier 2017, alors que les faits remontent à 2015.

La cour inférieure avait argumenté que le carrelage céramique, contrairement aux pierres, n’est pas extrait dans un lieu spécifique. Cela constituerait le facteur décisif dans la compréhension de la désignation VALS en lien avec du carrelage céramique, à savoir qu’elle n’est pas perçue comme une indication de la provenance géographique mais comme un renvoi aux caractéristiques esthétiques. Le TF estime qu’il n’y a rien à redire à cela. Il estime par ailleurs que la recourante ne démontre pas que le lieu de fabrication du carrelage céramique aurait une importance matérielle («wesentliche Bedeutung »). Il confirme ainsi la décision du tribunal grison sur ce point également.

Le recours est ainsi rejeté.

(TF, arrêt 4A_11/2020 du 18 août 2020)

Voir le commentaire de cet arrêt.

 

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