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TELLCO / TELL (avec remarque)

TF, arrêt 4A_28/2021 du 18 mai 2021 – motifs relatifs, signe national suisse, force distinctive faible de la marque opposante, risque de confusion nié

Art. 7 et 11 LPAP : Le terme «Tell» renvoie au héros national Guillaume Tell et constitue ainsi un signe national suisse. Il peut être utilisé pour autant qu’un tel emploi ne soit ni trompeur, ni contraire à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou au droit.

Art. 3 al. 1 let. c LPM: La marque opposante «TELLCO» a une force distinctive faible en raison de l’élément «TELL» peu distinctif. L’absence de l’élément «CO» dans la marque attaquée suffit à exclure le risque de confusion.

La recourante et plaignante est titulaire des marques opposantes «TELLCO» (CH 598’282) et «TELLCO» (CH 604’971) déposées en 2010 pour les classes 35 et 36.

Marque opposante

La plaignante a demandé au tribunal de commerce de Zurich qu’interdiction soit faite aux sociétés Tell AG et Tell advisor AG, intimées, d’utiliser le terme «Tell» dans leur raison de commerce ainsi qu’en lien avec des prestations et conseils dans le domaine liés à la finance. La plaignant a en outre conclu à la nullité de la marque verbale «Tell» (CH 693’264) appartenant à l’intimée Tell AG et enregistrée en 2016 pour des services financier en classe 36.

Le Tribunal zurichois a rejeté la demande de la plaignante, qui recours au TF. Le TF rejette le recours et confirme la décision cantonale.

«Tell» est un signe national suisse

A titre liminaire, le TF relève que «Guillaume Tell» (et donc le terme «Tell») sont des signes nationaux suisses au sens de l’art. 7 LPAP. Guillaume Tell figurait déjà comme exemple de signe national dans le message de 1929 relatif à l’ancienne LPAP et a été repris dans le message Swissness (FF 2009 7800).

Le terme peut être utilisé dans le commerce pour autant que son utilisation ne soit ni trompeuse ni contraire à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou au droit applicable (art. 11 LPAP). Il peut être enregistré comme marque ou comme élément de marque si les conditions de l’art. 2 LPM sont remplies (art. 14 LPAP), ce qui confère alors à son titulaire les droits exclusifs correspondants (cf. art. 13 MSchG).

Inversement, le TF considère qu’il existe un intérêt public important, exprimé dans les dispositions de la loi sur les marques, à ce que les signes nationaux suisses ne soient pas indûment monopolisés. Quiconque utilise un signe national verbal suisse comme partie de sa marque ou dans sa raison de commerce doit être conscient de la proximité de ce signe avec le domaine public et donc de la possibilité restreinte de conférer à l’ensemble un caractère distinctif.

Force distinctive et les notions du langage courant

Après avoir constaté la similarité des services revendiqués et le degré d’attention accru avec lequel les destinataires les acquièrent, le TF analyse la similarité des signes. Il estime qu’en raison de l’élément «CO» adjoint à «TELL» dans la marque opposante, les deux signes ont un degré de similarité faible.

Dans son examen de la force distinctive, le TF reprend le constat du tribunal zurichois selon lequel le registre suisse contient plusieurs marques comportant l’élément «Tell», notamment pour des services de la classe 36. Par conséquent, la marque opposante «évoque des références à des expressions du langage courant». C’est pour cette raison que l’élément «Tell» serait fréquemment utilisé pour désigner des produits et services de toutes sortes. Pour le TF, ce qui est décisif, c’est que le terme «Tell» est une notion du langage courant (einen Begriff des allgemeinen Sprachgebrauchs), qu’il soit compris comme un verbe anglais (largement utilisé) ou comme le nom de famille de la figure héroïque. Il en résulte que la marque opposante est faiblement distinctive.

Par conséquent, mêmes des différences mineures entre les marques en cause suffisent à les distinguer l’une de l’autre, ce qui est le cas en l’espèce. Le TF confirme ainsi qu’il n’y a pas de risque de confusion entre les marques opposées.

Remarque

Il est regrettable que le TF n’ait pas saisi l’occasion de préciser sa référence aux notions du langage courant dans son examen de la force distinctive. Ce principe avait déjà été mentionné dans l’arrêt TF 4C.258/2004 du 6 octobre 2004 – Yello/Yellow (consid. 2.2 et 4.1).

Le TF semble en déduire qu’un signe composé d’une notion du langage courant est automatiquement dénuée de force distinctive, indépendamment du caractère directement descriptif de la notion en lien avec les produits ou services revendiqués.

En réalité, le champ de protection de chaque marque est limité par la sphère du domaine public. Un signe appartient au domaine public s’il est exclusivement constitué d’éléments directement descriptifs de caractéristiques ou propriétés des produits ou services en cause ou s’il est banal.

Les marques proches d’un signe du domaine public ont un champ de protection limité. Tel est le cas de marques dont les éléments importants la composant sont banals ou se rapprochent de notions descriptives du langage courant. Toutefois, le seul fait qu’une marque contienne une notion du langage courant ne signifie pas encore qu’elle n’ait qu’une faible force distinctive. Sa force distinctive dépend du caractère directement descriptif de la notion en lien avec les produits et services.

En l’occurrence, il nous semble qu’il aurait été plus heureux de fonder la faible force distinctive de la marque opposante simplement sur les considérations liminaires, à savoir qu’il existe un intérêt public important à ce que les signes nationaux suisses restent à la libre disposition.

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