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TECTON / DEKTON

TF, arrêt 4A_510/2018 du 7 mai 2019 – motifs relatifs, risque de confusion, usage, similarité des produits et services

Art. 3 al. 1 let. c LPM: La similitude entre des services et des produits est admise s’il existe un lien commercial entre eux et qu’ils sont généralement proposés par une même entreprise.

Art. 11 al. 2 LPM: Pour être assimilé à un usage de la marque, le signe divergent ne doit pas dénaturer le cœur distinctif de la marque. Le public doit percevoir la marque et sa forme divergente comme un seul et même signe et n’attribuer aucun caractère distinctif aux éléments qui ont été modifiés, ajoutés ou omis.

Le TF confirme très largement la décision du tribunal de commerce bernois (HG 17 78) qui avait ordonné la radiation des marques « DEKTON » appartenant à la société de droit espagnol Cosentino S.A.U. sur plainte des onze sociétés du groupe Tecton.

Marque antérieure (CH 381 708)

La société Tecton Holding AG, qui chapeaute le groupe Tecton, est titulaire d’une marque verbale « TECTON » (CH 419 222) et de deux marques combinées contenant l’élément « TECTON » (CH 381 708 et CH 419 222). Ces marques sont enregistrées depuis plus de 15 ans pour des matériaux de construction et d’étanchéité (cl. 1, 2, 6, 9, 11, 17, 19, 20, 24) ainsi que des services de couvreur et conseil en construction (cl. 37 et 41). Elles sont utilisées par les dix autres sociétés du groupe, actives dans le domaine de la construction, de l’étanchéité et de l’isolation.

La société Cosentino S.A.U., défenderesse en première instance et recourante devant le TF, est titulaire depuis 2012 de la marque « DEKTON » (IR 1 124 539) ainsi que de deux autres marques combinées contenant cet élément. Ces marques sont enregistrées pour des produits sanitaires (cl. 11), des revêtements pour les façades et les sols (cl. 19) ainsi que des revêtements de murs, des tapis, paillassons, nattes, des revêtements de sols et des tentures murales en matières non textiles (cl. 27).

Similarité des produits et services

Le TF confirme l’appréciation du tribunal bernois selon laquelle il y a similitude entre les produits en classes 19 et 27 (sauf les tapis, paillassons, nattes et les tentures murales) revendiqués par la recourante et les services dans le secteur de la construction, les travaux de réparation et d’installation de la classe 37 revendiqués par l’intimée. Du point de vue des clients, ces produits et services représentent un ensemble cohérent. Il est en effet habituel qu’une entreprise qui effectue des travaux d’étanchéité et de maçonnerie fournisse également tous les matériaux de construction nécessaires à l’exécution de ces travaux.

Risque de confusion

Le TF confirme également le risque de confusion direct entre les signes en cause. Les éléments TECTON et DEKTON sont visuellement et phonétiquement similaires à tel point qu’ils peuvent être confondus, même avec un niveau d’attention légèrement accru. Par exemple, ils peuvent être perçus comme de simples fautes d’orthographe. Aucun des signes n’a de signification en lien avec les produits considérés. Enfin, les éléments graphiques sont très secondaires dans l’impression d’ensemble.

Par conséquent, la radiation des marques « DEKTON » est confirmée par le TF pour tous les produits similaires à ceux des marques de l’intimée .

Usage

La recourante a fait valoir le non-usage par l’intimée, Tecton Holding AG, de sa marque, notamment car cette dernière l’utilisait avec l’ajout « MACHT BAUTEN DICHT ».

Le TF rappelle que la marque doit en principe être utilisée telle qu’elle est inscrite au registre, car ce n’est que de cette façon qu’elle exerce sa fonction distinctive. Un usage sous une forme qui ne diffère pas substantiellement de l’enregistrement permet de conserver le droit à la marque (art. 11 al. 2 LPM). L’élément décisif à cet égard est que le cœur distinctif de la marque ne soit pas dénaturé de son identité. Cela n’est le cas que si le public perçoit la marque et la forme divergente comme un seul et même signe et n’attribue aucun caractère distinctif aux éléments qui ont été modifiés, ajoutés ou omis. Les exigences relatives à l’usage divergent du signe sont beaucoup plus strictes que celles qui prévalent dans l’appréciation du risque de confusion (ATF 139 III 424 consid. 2.2.2 ; 130 III 267 consid. 2.4).

La marque de l’intimée a été utilisée sur des cartes de visite, sur la page d’accueil du groupe et de la présentation de l’entreprise ainsi que sur les véhicules et les bâtiments. Ces marques ont été utilisées en relation avec les services offerts pour les travaux d’étanchéité et de maçonnerie. Il s’agit là d’un usage sérieux. L’art. 11 LPM ne requiert pas du titulaire de la marque qu’il se livre à du marketing, mais seulement qu’il utilise effectivement sa marque.

Enfin, contrairement à l’opinion de la recourante, le TF confirme que l’ajout « MACHT BAUEN DICHT », descriptif et laudatif, ne dénature pas le cœur distinctif et l’identité de la marque de l’intimée, à savoir l’élément verbal « TECTON ». L’utilisation divergente sera perçue par le public comme étant identique à la marque enregistrée. 

Interdiction en vertu du droit des raisons de commerce

La recourante utilise le signe « DEKTON » dans sa raison sociale. Comme ce signe peut être confondu avec le signe « TECTON », qui est utilisé par toutes les intimées dans leur raison sociale, l’instance inférieure a fait interdiction à la recourante d’utiliser le signe « DEKTON » dans sa raison de commerce ou pour identifier une société. Le TF ne trouve rien à redire à ces considérations.

Interdiction d’utiliser le nom « DEKTON »

Enfin, sur la base du droit au nom, l’instance inférieure, se fondant sur le registre du commerce, a prononcé une interdiction d’utiliser le terme « DEKTON » dans toutes les communes dans lesquelles les sociétés intimées ont leur siège. Sur ce point, le TF contredit le tribunal bernois.

La loi ne fixe pas de limites prédéfinie à la protection du nom en tant que droit personnel, de sorte que l’étendue de la protection dépend de l’utilisation concrète de ce nom et de ses effets réels (ATF 102 II 161 consid. 4a). Selon les conclusions de la juridiction inférieure, les intimées n’ont formulé que des allégations concernant les activités du groupe Tecton Group, manquant ainsi à leur obligation de spécifier les activités concrètes et effectives de chacune des intimées. Étant donné que l’étendue de la protection du nom dépend de l’activité effective sur un certain territoire ou, en ce qui concerne le risque de confusion, du contact avec certains destinataires, l’inscription au registre du commerce ne peut être prise comme base. Cet extrait ne dit rien sur le fait que la société exerce effectivement les activités mentionnées comme but statutaire au lieu de son siège social. 

Par ailleurs, la référence générale à plusieurs milliers de chantiers dans toute la Suisse ne suffit pas à prouver la nature de l’utilisation du nom. Pour déterminer l’étendue de l’intérêt digne de protection, il est nécessaire de disposer d’affirmations concrètes concernant les activités menées sous un nom particulier et les contacts entretenus avec d’autres personnes sous ce nom. Le TF casse donc cet élément du dispositif. Il confirme la décision bernoise pour le reste.

(TF, arrêt 4A_510/2018 du 7 mai 2019)

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