TF, arrêt 4A_515/2017 du 4 juillet 2018 – défaut d’usage d’une marque
Art. 11 al. 2 LPM: pour que l’usage de la marque à l’exportation soit admis, il est en principe nécessaire que la marque soit apposée sur le produit fini ou son emballage en Suisse, avant qu’il soit exporté à l’étranger. La simple apposition de la marque sur un support (p. ex. une étiquette) ne suffit pas.
Art. 11 al. 2 LPM: le seul fait que la marque soit apposée sur un élément d’une montre à l’étranger ne permet pas de considérer que les conditions de l’art. 11 al. 2 LPM ne sont pas remplies, dans la mesure où la marque n’apparaît sur le produit fini que lors de son assemblage en Suisse.
Art. 11 LPM: la commercialisation d’un produit au sein d’un groupe de sociétés ne constitue pas un usage public de la marque.
Le Tribunal fédéral admet le recours formé par Bentley Limited contre l’arrêt du Tribunal cantonal frigourgeois du 22 août 2017.
Devant l’autorité cantonale, Bentley Limited avait demandé que soit constatée la nullité pour défaut d’usage de la marque verbale «BENTLEY». Le tribunal fribourgeois avait rejeté cette demande et admis l’usage de la marque pour des montres (cl. 14).
Pour le TF en revanche, la défenderesse n’a pas fait un usage de sa marque. Il constate ainsi la nullité de la marque en question.
L’arrêt s’articule en deux points de droit, à savoir, d’un côté, les conditions d’usage d’une marque à l’exportation au sens de l’art. 11 al. 2 i.f. LPM et, de l’autre, l’usage public de la marque, qui découle de la notion d’usage à titre de marque.
Usage à l’exportation
Interprétant l’art. 11 al. 2 i.f. LPM, le Tribunal fédéral indique que le législateur a explicitement manifesté son intention de fixer l’exigence de « l’apposition » en Suisse d’une marque sur des produits destinés exclusivement à l’exportation (ou sur leur emballage). Il estime que cette exigence s’inscrit dans la logique de l’art. 11 LPM, qui est soumis au principe de territorialité, mais qui tient compte du fait que des produits destinés à l’exportation ne sont pas commercialisés sur le territoire suisse.
Ainsi, pour ces marques, l’art. 11 al. 2 LPM concède un allégement de l’exigence de l’usage sur le territoire national, sans toutefois renoncer à tout rattachement concret avec ce territoire. Il en résulte que la marque doit être utilisée en lien avec un produit déterminé. Le seul fait de l’apposer sur un support, comme une étiquette, ne répond pas à l’exigence d’apposition de la marque sur le produit.
A ce principe, le Tribunal fédéral relève que la doctrine reconnaît l’existence d’exception à l’apposition de la marque sur le produit. Il ne les examine toutefois pas, dès lors qu’il constate que la condition exigeant que la marque soit apposée physiquement sur le produit est dans le cas concret remplie.
En effet, le Tribunal fédéral considère qu’il résulte des constations cantonales que la marque est appliquée à l’étranger sur le cadran des futurs montres. Ce cadran est ensuite posé lors de l’assemblage des montres en Suisse avant leur exportation. Bien que ce cas de figure ne soit pas classique, il estime qu’on ne peut raisonnablement retenir que les conditions de l’art. 11 al. 2 LPM ne sont pas remplies du seul fait que la marque a déjà été appliquée sur le cadran à l’étranger, dès lors qu’elle n’apparaît sur le produit fini, qui est l’élément déterminant, que sur le territoire suisse, au moment de son assemblage.
Usage public
Le Tribunal fédéral rappelle que, par usage à titre de marque, il faut également entendre un usage public.
Examinant les relations entre la défenderesse et les sociétés avec lesquelles elle a une relation commerciale relative à l’écoulement de sa marque, la Haute Cour juge que ces sociétés ne sont pas des sociétés tierces, mais forment un groupe. L’usage public ne peut ainsi intervenir qu’ultérieurement, à savoir à partir du moment où les sociétés du groupe présentent les montres pourvues de la marque auprès d’acheteurs potentiels. Or, selon Mon-Repos, il ne ressort pas du dossier qu’une telle activité de mise sur le marché soit intervenue.
En conséquence, l’usage public fait défaut dans ce cas. Le recours est ainsi bien fondé. Le défaut d’usage de la marque verbale «BENTLEY» est constaté et cette marque déclarée nulle.