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E-Cockpit (avec commentaire)

TAF, arrêt B-5048/2014 du 4 avril 2017 – domaine public

Art. 2 let. a LPM: La notion de domaine public comprend deux composantes: le caractère distinctif, d’une part, et le besoin de disponibilité, d’autre part. Il suffit que l’un ou l’autre de ces éléments soit réalisé pour que le signe soit exclu de la protection à titre de marque

Dans cet arrêt, le TAF conclut au caractère directement descriptif du signe E-COCKPIT. Il n’examine cependant pas le caractère distinctif du signe en lien avec une partie des produits et services pouvant avoir un contenu thématique. Pour ces produits et services, il se limite à constater qu’il n’y a pas de besoin de disponibilité.

Le TAF admet partiellement le recours de la Poste Suisse SA contre le refus de l’IPI d’enregistrer le signe verbal E-COCKPIT pour certains produits et services revendiqués en classes 9, 16, 41 et 42.

Le TAF considère, comme l’IPI, que l’élément « E », dans le domaine des technologies de l’information, est compris comme signifiant « électronique ». Le terme « Cockpit » signifie, en lien avec les systèmes d’informations, une application qui permet de visualiser des données de manière simple, claire et structurée et de les contrôler.

Le syntagme E-COCKPIT se comprend dès lors comme un portail d’informations électronique qui permet de réduire le flux d’information et de faciliter la gestion des données.

Le TAF confirme que le signe est directement descriptif de la fonction des programmes informatiques servant au traitement de l’information (classe 9) et de l’objet des services de programmation et de location de logiciels (classe 42). Il confirme également que le signe décrit directement le contenu des manuels relatifs à des programmes d’ordinateurs (classe 16).

Le TAF ne se prononce en revanche pas sur le caractère distinctif du signe E-COCKPIT en relation avec les autres produits disposant d’un contenu, à savoir les supports de données magnétiques ou optiques (classe 9), les produits de l’imprimerie (classe 16) ainsi que les services en relation avec la formation (classe 41). Pour ces produits et services, il ne traite le signe que sous l’angle du besoin de disponibilité.

A cet effet, le TAF rappelle qu’en lien avec les produits et services qui peuvent porter sur un thème particulier, il est important de laisser aux concurrents la possibilité de décrire le thème de leurs produits et services. Se référant à l’arrêt APOTHEKEN COCKPIT du 16 décembre 2016, le TAF indique qu’une marque ne peut alors être enregistrée que s’il reste suffisamment de formulations alternatives permettant aux concurrents une telle description.

En l’occurrence, les concurrents, qui offrent des produits de l’imprimerie, des supports d’enregistrements ou des services de formation portant sur le thème des systèmes électroniques de cockpit, seront amenés à utiliser le syntagme « E-cockpit ». Il reste néanmoins, selon le TAF, suffisamment de manières et de formulations différentes pour désigner un système de « cockpit électronique ».

Par conséquent, il n’y a pas un besoin de libre disponibilité absolu pour le signe E-COCKPIT. Ce signe peut donc être enregistré à titre de marque pour les supports de données magnétiques de la classe 9, les produits de l’imprimerie de la classe 16 ainsi que pour les services de formation de base et de formation continue de la classe 41. Le recours est admis dans cette mesure.

(arrêt B-5048/2014 du 4 avril 2017)

Commentaires

Cet arrêt appelle quelques remarques.

La notion de domaine public au sens de l’art. 2 let. a LPM comprend deux composantes: le caractère distinctif, d’une part, et le besoin de disponibilité, d’autre part (TF 4A_434/2009 consid. 3.1 – RADIO SUISSE ROMANDE).

Ainsi, un signe qui n’est pas soumis à un besoin de disponibilité peut être dépourvu de caractère distinctif. Il suffit néanmoins que l’un ou l’autre de ces aspects soit réalisé pour que le signe soit exclu de la protection à titre de marque. C’est pourquoi la jurisprudence constante admet que la question du besoin de disponibilité peut rester ouverte lorsque le signe est dépourvu de caractère distinctif (TAF B-3377/2010 consid. 5.6 et la réf. cit. – RADIANT APRICOT).

A l’inverse, lorsque le signe est pourvu d’un caractère distinctif, parce que les destinataires ne le comprendront pas comme un renvoi direct à des caractéristiques du produit ou du service désigné, il faut encore examiner si, du point de vue des concurrents, le signe doit demeurer à leur libre disposition. A cet égard, l’existence de nombreuses alternatives entre en considération (TF, sic! 2009, 167, consid. 5.1 – POST ; ATF 134 III 314, consid. 2.3.3 – M / M-joy).

Par ailleurs, ces deux aspects du domaine public s’examinent sous des angles différents. Alors que l’existence d’un caractère distinctif concret se détermine en fonction de la perception du signe par les destinataires des produits ou des services concernés (TF 4A_528/2013 consid. 5.1 et les réf. cit. – ePostSelect [fig.]), l’appréciation du besoin de disponibilité se fonde principalement sur les besoins présumés des concurrents (TF 4A_6/2013 consid. 2.4 et les réf. cit. – WILSON).

Au regard de ces considérations, on constate que dans son arrêt E-COCKPIT, le TAF se distancie de cette logique d’analyse. En effet, il n’examine le besoin de disponibilité que pour une partie des produits et, pour l’autre, l’examen du signe ne porte que sur le caractère distinctif.

S’agissant des produits et des services disposant d’un contenu thématique, le TAF se limite à examiner le caractère distinctif du signe litigieux pour les seuls manuels relatifs à des programmes d’ordinateurs. Il ne procède pas à cet examen par rapport aux autres produits et services concernés des classes 9,16 et 42, à savoir les supports de données magnétiques, les produits de l’imprimerie et les services de formation. Ainsi, l’arrêt ne donne pas les motifs qui permettent de conclure que le signe E-COCKPIT n’est pas directement descriptif du contenu thématique de ces produits et services.

Pourtant, parmi ces produits peuvent se trouver, par exemple en classe 16, des manuels relatifs à des programmes d’ordinateur. Or, dans cette même décision, le TAF considère que le signe E-COCKPIT est directement descriptif pour de tels manuels.

Il est par ailleurs intéressant de noter que dans son arrêt B-7995/2015 du 15 mars 2017 (TOUCH-ID), le TAF avait justement considéré, concernant les produits dont le thème n’est pas précisé, que dès lors que le signe déposé constituait un renvoi direct à un éventuel contenu et qu’il ne contenait aucun élément supplémentaire conférant à l’ensemble un caractère distinctif, ce signe appartenait au domaine public et ne pouvait pas constituer une marque.

Si on applique ce principe au cas présent, le signe E-COCKPIT aurait dû être considéré comme descriptif de tous les produits et services pouvant avoir un contenu thématique.

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