TAF, arrêt B-3923/2023 du 28 mai 2024 – motifs relatifs, défaut d’usage durant la procédure de recours non examiné, faible force distinctive, risque de confusion nié, recours admis
Art. 12 LPM ; art. 22 al. 3 OPM : L’invocation du non-usage avant l’expiration du délai de carence ne peut être examinée en procédure de recours que si ladite période est échue au moment de la décision de première instance.
Art. 3 al. 1 let. c LPM : En lien avec les produits et services concernés, le public perçoit «Canna» comme une troncation de «Cannabis», de sorte que la marque «CANNAMED» est immédiatement comprise comme désignant du cannabis médical. Il en résulte une force distinctive très faible de la marque antérieure. Pour cette raison, le risque de confusion est nié, malgré la forte similarité des signes, des produits identiques ou similaires et des éléments additionnels très peu distinctifs de la marque attaquée.
Le titulaire de la marque antérieure «CANNAMED» (CH 727’168) a formé opposition contre l’enregistrement de la marque suisse «Swiss CannaMed (fig.)» (CH 779’448).
La marque opposante est enregistrée pour des produits pharmaceutiques et médicaux, notamment des herbes médicinales (cl. 5), ainsi que pour des services de soins et de beauté (cl. 44). La marque attaquée est également enregistrée pour des produits pharmaceutiques (cl. 5), ainsi que pour des cosmétiques (cl. 3) et des produits agricoles à l’état brut (cl. 31).
L’IPI a admis l’opposition pour les produits des classes 3 et 5. Le TAF nie le risque de confusion en raison de la très faible force distinctive de la marque antérieure et admet ainsi le recours.
Dépôt abusif
L’argumentation des recourantes visant un dépôt prétendument abusif de la marque antérieure est irrecevable dans le cadre d’une procédure d’opposition, limitée à l’examen du risque de confusion selon l’art. 3 al. 1 let. c LPM.
Exception du non-usage devant le TAF
L’exception de non-usage, soulevée préventivement avant l’échéance du délai de carence de cinq ans, n’avait pas à être examinée par l’IPI, cette échéance n’étant pas encore atteinte au moment de sa décision. Le Tribunal confirme que cette règle s’applique également sous l’empire de l’art. 22 al. 3 OPM dans sa version révisée en 2021.
En procédure de recours, le TAF confirme qu’il ne peut pas élargir l’objet du litige à des griefs qui n’étaient pas justiciables devant l’autorité précédente. La demande est ainsi irrecevable.
Similarité des produits
Les produits revendiqués présentent une identité ou une forte similarité dans le domaine pharmaceutique (classe 5) ainsi que pour certains produits cosmétiques (classe 3), en raison de leur destination et de leurs circuits de distribution communs.
Public pertinent et attention
- Les produits pharmaceutiques humains et vétérinaires s’adressent aux professionnels et aux consommateurs finaux, qui manifestent une attention élevée.
- Les plantes médicinales et compléments alimentaires suscitent une attention moyenne.
- Les services de santé et de beauté en classe 44 s’adressent à un public adulte avec une attention normale.
Similarité des signes
La marque attaquée reprend intégralement la marque antérieure «CANNAMED», à laquelle elle ajoute le terme descriptif «Swiss» et quelques éléments graphiques secondaires.

La marque attaquée apparaît ainsi comme une variante suisse de la marque antérieure, d’où une forte similarité des signes.
Force distinctive et risque de confusion
Pour les produits en cause, les consommateurs associent la marque antérieure «CANNAMED» directement à «cannabis médical», en raison de la combinaison évidente de «Canna» (troncation de «Cannabis») et de «Med» (médical). La marque antérieure est ainsi perçue comme une indication descriptive de la nature ou de la composition des produits et ne possède au mieux qu’une force distinctive très faible.
La forte similitude des signes repose uniquement sur des éléments descriptifs ou usuels. Le TAF estime qu’il n’en résulte pas de risque de confusion, même en présence de produits identiques ou similaires.
Le fait que les éléments supplémentaires de la marque attaquée manquent eux aussi de force distinctive n’y change rien. Le recours est admis. L’opposition est rejetée.