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BRASSERIE FEDERAL (fig.)

TAF, arrêt B-6343/2019 du 19 août 2020 – poursuite de l’usage des armoiries de la Confédération

Art. 35 al. 4 LPAP: On est face à une « entreprise traditionnelle » lorsque (1) la société/association existe depuis au moins deux générations et (2) qu’elle est active dans tout le pays. Ces critères ne sont toutefois pas remplis par « Brasserie Federal », qui ne jouit pas du droit de poursuivre l’usage de sa marque.

Le TAF rejette le recours formé par Candrian Catering AG, contre la décision du Département fédéral de justice et police (DFJP) refusant la poursuite de l’usage de la marque suisse « BRASSERIE FEDERAL (fig.) » (n° P-536’856), déposée le 11 mai 2004, pour des services de restauration et d’hôtellerie en classe 43.

 

Les principes réglant l’utilisation des armoiries suisses

Depuis le 1er janvier 2017, l’emploi des armoiries suisses (= croix suisse placée dans un écusson) est exclusivement réservé à la Confédération (art. 8 LPAP). Les armoiries expriment en effet la souveraineté et la dignité de la collectivité concernée. Par conséquent, seule celle-ci peut les utiliser. Elle n’est pas autorisée à délivrer à des particuliers des licences portant sur ces signes, ni à les transférer (art. 8 al. 3 LPAP). Une marque contenant une armoirie de la Confédération est refusée à l’enregistrement, à moins qu’elle soit déposée par la collectivité concernée (art. 14 LPAP et art. 2 let. d LPM).

Cependant, avant cette date, seule l’apposition des armoiries fédérales dans un but commercial sur des produits ou sur leur emballage était interdite. L’usage dit « décoratif », c’est-à-dire à titre non commercial, sur des produits était autorisé. Cependant, étant donné que le caractère décoratif des armoiries est une question ressortant exclusivement d’usage, il n’était pas possible de prendre en considération cet aspect au stade de l’enregistrement de la marque, si bien que l’enregistrement d’une marque de produits contenant les armoiries suisses était interdit.

En revanche, les armoiries de la Confédération pouvaient être utilisées dans la publicité, sur des enseignes, des annonces, des prospectus ou des papiers de commerce (art. 3 al. 1 aLPAP). L’enregistrement de marques de services contenant les armoiries suisses était licite (voir art. 75 ch. 3 LPM en relation avec art. 1 aLPAP).

La poursuite de l’usage des armoiries

Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle LPAP en janvier 2017, l’usage de ces marques, enregistrées en toute légalité, est soudainement devenu illicite.

Pour éviter les cas de rigueur, le législateur a autorisé l’usage de ces marques pendant deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, soit jusqu’à la fin de l’année 2018 (art. 35 al. 2 LPAP).

Lors de la consultation publique précédant l’adoption de la nouvelle loi, certains participants ont néanmoins exprimé des craintes par rapport au monopole de la Confédération sur les armoiries suisses. Ils étaient d’avis qu’il était nécessaire de prévoir des exceptions pour les entreprises traditionnelles suisses (par exemple les sociétés Victorinox SA et le Touring Club Suisse) ou les associations (Club alpin suisse et l’association Swiss Snowsports) qui utilisent depuis longtemps les armoiries de la Confédération ou des signes similaires soit pour des services, ce qui est licite, soit pour des produits, ce qui est illicite, dont le logo s’est imposé auprès du public (voir Message Swissness, FF 2009 7823).

Magnanime, le législateur a alors prévu que, sur demande motivée déposée avant le 31 décembre 2018, le DFJP pouvait autoriser ces « entreprises suisses traditionnelles » à poursuivre l’usage des armoiries de la Confédération pour une durée illimitée pour autant que des « circonstances particulières » le justifiaient et qu’une renonciation à leur signe entraînerait des désavantages disproportionnés (art. 35 al. 2 LPAP).

Pour les marques de services, ces « circonstances particulières » sont données si la marque contenant les armoiries a été enregistrée ou déposée avant le 18 novembre 2009, date à laquelle le projet de nouvelle LPAP a été publié (art. 35 al. 4 LPAP).

Les « circonstances particulières » pour la poursuite de l’usage commercial sur des produits sont admises beaucoup plus restrictivement. Il faut que les armoiries aient été utilisés de façon ininterrompue et incontestée depuis 30 ans au moins par la même personne ou par son successeur légal pour des produits fabriqués ou des services offerts par eux (art. 35 al. 3 LPAP). La rigueur de cette exigence est compréhensible dès lors qu’on légalise une situation qui était illicite sous l’ancien droit et qui le reste sous le nouveau. Il fallait donc faire en sorte que ces conditions ne puissent s’appliquer, pratiquement, qu’à une seule entreprise.

Droit de poursuivre l’usage nié en l’espèce  

Dans le délai légal, la société Candrian Catering AG a demandé au DFJP la possibilité de poursuivre l’usage de sa marque « Brasserie federal » contenant un élément susceptible d’être confondu avec les armoiries suisses.

Cette marque a été déposée en 2014 et remplit donc la condition particulière posée à l’art. 35 al. 4 LPAP. Le DFJP a néanmoins rejeté la demande au motif que la requérante n’avait pas réussi à prouver un intérêt digne de protection à la poursuite de l’utilisation de son signe.

Le TAF confirme la décision. La marque en cause ne s’est pas « imposée » selon lui. Ainsi une modification du logo qui remplacerait les armoiries par une croix suisse ne constituerait pas un désavantage disproportionné pour la titulaire.

Le TAF estime par ailleurs que la recourante n’est pas une « entreprise traditionnelle suisse ». Ce faisant, le TAF précise ce qu’il faut entendre par « entreprise traditionnelle ». Les critères principaux sont que (1) la société/association existe depuis au moins deux générations et (2) qu’elle soit active dans tout le pays. Il prend pour exemple l’entreprise « VICTORINOX AG », qui non seulement utilise son logo depuis plus de 100 ans mais est aussi active dans toute la Suisse. Or, la recourante, qui a été fondée en 1979 (et opère sous le nom de Brasserie Federal depuis 1997), ne remplit manifestement pas ces conditions. Outre une histoire commerciale d’une vingtaine d’années seulement, sa marque a une portée uniquement locale de sa marque, elle est inconnue au national. L’intérêt digne de protection est donc nié et le recours est rejeté.

(TAF, arrêt B-6343/2019 du 19 août 2020)

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