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Davos – recours contre une ordonnance de non-entrée en matière

Tribunal d’appel de Bâle-Ville, décision BES.2017.58 du 1 juin 2017 – indication de provenance, désignation générique

Art. 47 al. 2 LPM: La désignation «Davos» en lien avec les luges est un terme générique et ne crée pas d’attente quant à la provenance géographique de ces produits.

Art. 12 CP cum art. 64 LPM: En raison des développements légaux et politiques de ces dernières années, on peut attendre des acteurs du marché une attention accrue relativement au respect des règles sur l’usage des indications de provenance.

Résumé des faits

Davoser Schlitten
Davoser Schlitten (MarkusHagenlocher CC BY-SA 3.0)

En novembre 2016, la recourante avait porté plainte contre l’intimée au motif que cette dernière mettait en vente des luges désignée « Davos », fabriqué en Tchéquie à base de bois tchèque.

Le procureur de Bâle-Ville, saisi de cette plainte, a prononcé une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 CPP). La recourante demande au tribunal d’appel (Appellationsgericht) l’annulation de cette ordonnance et la poursuite d’une instruction pénale.

Le Tribunal de Bâle-Ville rejette le recours et confirme la décision du procureur.

La question juridique

La question à laquelle le tribunal doit répondre dans cette affaire est la suivante: la désignation «Davos», utilisée en lien avec des luges, est-elle perçue exclusivement comme une référence au modèle de luge ou constitue-t-elle une référence à la provenance géographique de ces produits ?

En substance, le procureur a défendu la première réponse et considère que «Davos» désigne un type de luge1.

La recourante soutient en revanche qu’il s’agit d’une indication de provenance au sens de l’art. 47 LPM qui ne peut être utilisée qu’en lien avec des produits suisses.

Elle fait en outre valoir que la manière dont est utilisée la désignation joue un rôle. L’intimée n’utilise pas une mention tel que «luge Davos», qui pourrait faire référence à un type de luge, mais l’indication «Davos» (agrémentée d’un logo) en tant que marque. Cette distinction doit être prise en compte selon la recourante.

Conditions à la dégénérescence d’une indication de provenance

Un nom géographique qui a perdu son sens géographique originel et qui est compris par les milieux intéressés simplement comme une référence à un type ou un modèle de produit est considérée comme étant devenue générique et ne constitue ce faisant pas une indication de provenance. Tel est le cas de désignation comme « eau de Cologne », Hamburger » ou « Wienerli ».

Le Tribunal rappelle que la dégénérescence d’une indication de provenance est un processus qui s’étend sur plusieurs décennies durant lesquelles la désignation est utilisée sans contestation sur des produits ne provenant pas du lieu indiqué. En outre, les désignations susceptibles de dégénérer portent généralement sur des produits particulièrement appréciés du public.

Aussi longtemps qu’une partie non négligeable du public pertinent perçoit encore la référence à la provenance géographique, la désignation ne peut pas être considérée comme générique.

Selon la jurisprudence du TF, la perception des milieux intéressés est une question de droit. Pour la doctrine, la possibilité de prouver la perception doit être donnée. Cependant, lorsqu’il s’agit de la perception en générale qui ne requiert pas de connaissances spécifiques dans la branche, le tribunal peut statuer sur la compréhension du signe sans collecter des moyens de preuve.

Analyse du tribunal concernant la qualification du nom géographique « DAVOS »

Pour les juges bâlois, cela ne fait aucun doute que les milieux intéressés ne perçoivent pas le nom géographique «Davos» comme une indication de provenance en relation avec des luges, mais comme une désignation devenue générique. Cette compréhension vaut dans toutes les langues.

Le tribunal cite quelques articles de presse et liens internet qui tendent à démontrer que le terme «Davos» désigne une certaine forme de luge (la «Davoser» ou «Davoser Schlitten»).

Le second argument de la recourante est également balayé par le tribunal. Ce dernier considère en Effet que l’utilisation de la désignation avec un logo ne modifie pas sa perception par les milieux intéressés. Le fait d’utiliser le terme « Davos » plutôt que « Davoser » sur les luges n’a pas non plus d’influence à cet égard.

La recourante ne peut rien déduire du fait que l’IPI n’enregistre qu’avec une limitation des signes contenant la désignation « Davos » pour des produits de la classe 28 (articles de sport). Le tribunal constate que, dans la classe 28, entrent de nombreux produits autres que les luges, en lien avec lesquels la désignation est perçue comme une indication de provenance.

Analyse du tribunal concernant l’intention (art. 12 al. 1 CP)

Le tribunal examine enfin l’élément subjectif de l’infraction en cause. Autrement dit, à supposer que l’intimée ait enfreint la réglementation, a-t-elle agi intentionnellement, c’est-à-dire avec conscience et volonté?

Constatant que les luges litigieuses figurent dans l’assortiment de l’intimée depuis des décennies et que, chaque année, elle évalue l’opportunité de maintenir ces produits dans son assortiment, il arrive à la conclusion qu’elle ne s’est jamais posée de question quant à la conformité de ces produits avec la réglementation sur les indications de provenance.

Le tribunal considère néanmoins qu’en raison du développement politique et juridique des dernières années relatif à cette réglementation, on peut attendre des acteurs du marché qu’ils portent une plus grande attention à ces problématiques. En l’occurrence toutefois, la période considérée est antérieure à ces modifications et l’attention que l’on pouvait alors attendre des utilisateurs d’indications de provenance était réduite. Le tribunal ne retient donc aucune intention de violer la loi dans le cas présent.

Tribunal d’appel (Appellationsgericht) de Bâle-Ville, décision BES.2017.58 du 1 juin 2017 (publiée le 29 août 2017). Recours (6B 873/2017) au TF rejeté.


1 Le procureur, de manière erronée, a considéré qu’il s’agissait d’une désignation de type (Typenbezeichnung; voir Directives de l’IPI, 01.01.2017, Partie 5, ch. 8.4.5, p. 168). La recourante le souligne et le Tribunal mentionne cette erreur et n’examine la désignation que sous l’angle du caractère générique.

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