Dans un arrêt du 22 septembre 2017, la Cour d’appel de Paris a admis un droit antérieur de l’Etat français sur la dénomination « France » par rapport à une société privée titulaire de marques «france.com (fig.)».
Cet arrêt est important car il reconnaît un droit naturel de l’Etat à son propre nom. L’appellation « France » constitue pour l’Etat français un élément d’identité que les juges ont assimilé au nom patronymique d’une personne physique.
La Cour d’appel privilégie l’intérêt public par rapport aux droits individuels d’une société américaine.
L’affaire
La société américaine France.com Inc. était propriétaire du nom de domaine france.com enregistré le 10 février 1994.
Elle détenait en outre plusieurs marques françaises et communautaires «france.com (fig.)» enregistrées pour divers produits (classes 16, 25) et services (classes 35, 36, 38, 39, 41-43).
L’Etat français a saisi la justice afin de faire constater l’atteinte à ses droits sur le nom de son territoire. Il a demandé le transfert à son profit des marques et du nom de domaine.
Il a en outre requis qu’il soit ordonné à la société américaine de renoncer volontairement auprès
de l’EUIPO à ses enregistrements des marques communautaires.
Considérants de la Cour d’appel
La Cour d’appel se fonde sur l’article L711-4 du code de propriété intellectuelle français. Celui-ci prévoit qu’un signe qui porte atteinte à des droits antérieurs ne peut être adopté comme marque.
Pour la Cour d’appel, la dénomination « France » revendiquée par l’Etat français est susceptible de constituer une antériorité aux dépôts des marques françaises en cause dès lors qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
Les juges parisiens considèrent que l’appellation « France » constitue pour l’Etat français un élément d’identité assimilable au nom patronymique d’une personne physique.
Ce terme désigne le territoire national dans son identité économique, géographique, historique, politique et culturelle, laquelle a notamment vocation à promouvoir l’ensemble des produits et services visés aux dépôts des marques considérées.
Ainsi, pour la Cour d’appel, le grand public identifiera ces produits et services comme émanant de l’Etat français ou à tout le moins d’un service officiel bénéficiant de la caution de l’Etat français.
Le suffixe .com n’est pas de nature à modifier la perception du signe.
Les mêmes motifs sont retenus concernant le nom de domaine france.com. Celui-ci porte atteinte à l’appellation « France » qui constitue pour l’Etat français un élément de son identité.
Par conséquent, la Cour d’appel annule les marques françaises litigieuses et ordonne le transfert du nom de domaine «france.com» à l’Etat français.
S’agissant des marques communautaires la Cour d’appel renvoie l’Etat français à agir en nullité devant l’EUIPO.
(Arrêt du 22 septembre 2017 de la Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 2)
Voir également le résumé du 16 janvier 2018 de cette décision sur le blog The IPKat, lequel annonce qu’un pourvoi en cassation a été déposé par la société américaine.