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CHROM-OPTICS / CHROM-OPTICS

TAF, arrêt B-5129/2016 du 12 juillet 2017 – motifs relatifs, usage de la marque, abus de droit

Art. 12 al. 2 LPM: la faillite et le transfert d’une marque ne créent pas un nouveau délai de carence de 5 ans. Des procédures judiciaires peuvent en principe constituer des justes motifs de non-usage si elles concernent directement la marque.

Art. 2 CC en relation avec l’art. 32 LPM: le défaut d’usage invoqué par la société-mère de l’ancienne titulaire de la marque opposante constitue un abus de droit, lorsque celle-là redépose la même marque que celle précédemment détenue par sa société fille.

Les faits:

Le 18 juin 2007, la société Ropal AG a obtenu l’enregistrement de la marque suisse n° 562’756 CHROM-OPTICS (marque opposante) protégée pour des produits et services des classes 2, 7 et 40.

En 2014, une procédure de faillite a été ouverte à l’encontre de Ropal AG. La marque précitée a, dans le cadre de cette procédure, été reprise par Hoppe Holding AG (recourante).

Le 25 mars 2015, Ropal Europe AG (intimée), société-mère de Ropal AG, a déposé la même marque CHROM-OPTICS (marque attaquée n° 676’266), contre laquelle la recourante a formé opposition.

Dans sa réponse à l’opposition, l’intimée a contesté l’usage de la marque opposante.

La recourante, dans sa réplique, a notamment fait valoir, d’une part, de justes motifs de non-usage de la marque opposante. D’autre part, elle a soutenu que l’invocation de défaut d’usage constituait un abus de droit.

L’arrêt

L’arrêt s’articule essentiellement en deux points de droit.

Justes motifs de non-usage

Sur l’usage à proprement parler de la marque, le TAF considère avec l’Institut que la recourante n’a pas rendu vraisemblable l’existence de justes motifs de non-usage de la marque opposante.

Les difficultés de production rencontrées par l’ancienne titulaire de la marque opposante, la société Ropal AG, avant sa faillite ne constituent pas, selon le TAF, des justes motifs de non-usage de la marque.

Ni la faillite de l’ancienne titulaire, ni le transfert subséquent de la marque à la recourante ne feraient par ailleurs démarrer un nouveau délai de carence de 5 ans.

Si des procédures judiciaires peuvent constituer des justes motifs de non-usage, la recourante ne pourrait en l’occurrence s’en prévaloir, dans la mesure où elles ne concernaient pas directement la marque opposante.

Invocation du défaut d’usage et abus de droit

Le TAF considère que l’interdiction de l’abus de droit au sens de l’art. 2 CC peut être invoqué dans la procédure d’opposition, pour autant que l’abus de droit soit allégué en relation avec des arguments qui peuvent être invoqués dans le cadre de cette procédure. Tel est le cas comme en l’espèce de l’invocation du défaut d’usage prévu à l’art. 32 LPM.

En l’occurrence, le TAF a jugé que l’invocation du défaut d’usage de la marque opposante par l’intimée constituait un abus de droit.

Les juges administratifs fédéraux ont en effet estimé qu’avec le transfert de la marque opposante à la recourante, la société-fille de l’intimée avait également cédé le droit d’utiliser cette marque et de la défendre. Ainsi, si cette société avait elle-même déposé une nouvelle fois la même marque et qu’elle avait contesté l’usage de la marque transférée, son comportement aurait été considéré comme abusif et le grief de défaut d’usage aurait été rejeté.

En l’occurrence, la marque a été déposée par la société-mère intimée qui a invoqué le défaut d’usage de la marque cédée. Pour le TAF, cette situation n’y change rien. Selon lui, les structures d’entreprise n’ont pas pour vocation de légitimer des comportements juridiquement problématiques.

Par conséquent, le TAF a annulé la décision de l’IPI et a invité ce dernier à examiner si la marque attaquée déposée par la société-mère intimée portait atteinte à la marque opposante acquise par la recourante.

Bref avis

Comme le souligne le TAF, les principes de la bonne foi et de l’interdiction de l’abus de droit (art. 2 CC) sont des principes généraux du droit qui trouvent application dans l’ensemble de l’ordre juridique.

Nous saluons le fait que le TAF ait considéré que l’interdiction de l’abus de droit pouvait être invoqué, dans une certaine limite, dans une procédure d’opposition. On ne saurait en effet profiter de l’objet limité de cette procédure pour agir de manière abusive, p. ex. en contestant l’usage de la marque opposante comme dans le cas d’espèce.

Nous pensons également que l’application de la théorie de la transparence (Durchgriff) se justifie entièrement dans ce cas.

(Arrêt B-5129/2016 du 12 juillet 2017)

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