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Marque géographique ou comment protéger une AOP à l’étranger

L’IPI a annoncé dans sa newsletter 2017/6 que la première marque géographique avait été enregistrée. Il s’agit de la marque n° 703183 – EMMENTALER enregistrée en relation avec des fromages bénéficiant de l’appellation d’origine protégée (AOP) Emmentaler, en classe 29.

Se posent les questions suivantes: qu’est-ce qu’une marque géographique? A quoi sert-elle? A quelles conditions peut-on obtenir l’enregistrement d’une marque géographique?

Notion de marque géographique

La marque géographique a été introduite avec le paquet législatif «Swissness» et peut être déposée et enregistrée depuis le 1er janvier 2017. Elle est régie aux art. 27a ss LPM.

Avant l’entrée en vigueur de la législation «Swissness», une indication de provenance, une indication géographique, une AOP ou une indication géographique protégée (IGP) ne pouvait pas être protégée en tant que marque. En effet, ces indications décrivent la provenance des produits ou des services et ne sont pas perçues comme un renvoi à une entreprise déterminée; elles doivent rester de plus à la libre disposition des concurrents. En application de l’art. 2 let. a LPM, elles relèvent donc du domaine public1.

Avec l’entrée en vigueur de la législation «Swissness», il est dorénavant possible d’enregistrer une telle indication comme marque. En effet, l’art. 27a LPM prévoit expressément une dérogation à l’art. 2 let. a LPM, lorsque la protection du signe est revendiquée à titre de marque géographique et que celui-ci répond aux exigences des art. 27a ss LPM.

Droits conférés par la marque géographique

Avant de s’attarder sur les conditions pour obtenir l’enregistrement d’une marque géographique, il s’agit d’abord de mettre en évidence les droits que cette marque confère.

Titularité et droit collectif

A la différence des autres signes, qui peuvent être déposés par toute personne en vue de sa protection à titre de marque, l’art. 27b LPM limite à certaines personnes la qualité de déposant.

Dans la mesure où le dépôt d’une marque géographique présuppose l’existence d’une AOP, d’une IGP ou d’une ordonnance de branche édictée en application de l’art. 50 al. 2 LPM, seul le groupement qui a obtenu cette protection peut déposer une marque géographique (cf. art. 27b LPM). On précisera au passage que, pour les appellations d’origine contrôlées (AOC) viticoles, la qualité pour déposer la marque géographique correspondante appartient au canton qui protège l’AOC (art. 27b let. b LPM). Pour les marques géographiques portant sur des indications géographiques étrangères, elles pourront être déposées par les autorités étrangères responsables de la réglemention de l’indication géographique ou par le groupement étranger ayant obtenu sa protection (art. 27b let. a à c LPM).

La notion de titularité diffère entre une marque et une AOP. Les AOP et IGP n’ont en réalité pas de titulaires, mais des bénéficiaires, en ce sens que toute personne qui respecte le cahier des charges peut l’utiliser et porte une part de responsabilité du respect de ce dernier. Seule la majorité représentative des acteurs actifs dans la réalisation d’un produit peut demander l’enregistrement d’une AOP ou d’une IGP. L’art. 27b let. a LPM tient compte de ce fait. Il prévoit que le groupement ayant obtenu l’AOP ou l’IGP peut demander l’enregistrement d’une marque géographique ou, lorsque le groupement n’existe plus, un groupement représentatif.

Ainsi, avec l’art. 27b let. a LPM, la marque géographique donne à un groupement représentatif au moment de l’obtention de l’AOP ou de l’IGP une titularité d’un titre de protection. Or, qu’adviendrait-il de la titularité de cette marque dans le cas où ce groupement perdrait sa représentativité au profit d’un autre groupement de producteurs, sachant que le transfert de la marque géographique n’est pas autorisé (cf. art. 27e al. 1 LPM)?

Dans ce cas particulier, nous sommes d’avis qu’un changement de titulaire s’impose, de manière à respecter la volonté du législateur de lier la titularité de la marque géographique au groupement représentatif de l’AOP ou de l’IGP (cf. art.27b let. a LPM in fine). Cependant, nous estimons que le groupement nouvellement représentatif devrait se faire auparavant reconnaître en tant que tel auprès de l’autorité compétente. A notre avis, dans le cadre de l’examen d’une marque géographique, l’IPI n’est pas compétent pour déterminer si un groupement est représentatif. Un tel examen devrait faire l’objet d’une consultation publique et, lorsque la représentativité est admise, celle-ci devrait pouvoir être contestée par voie d’opposition (voir p. ex. art. 7 et art. 9 al. 3 let. b de l’ordonnance sur les AOP et IGP non agricoles du 2 septembre 2015; art. 50 al. 3 LPM).

Si elle est enregistrée en faveur d’un titulaire, la marque géographique demeure un droit collectif. En effet, toute personne qui respectent les conditions prévues dans le règlement de la marque, règlement qui doit correspondre au cahier des charges de l’AOP ou de l’IGP ou à la réglemention applicable (art. 27c al. 2 LPM), peut utiliser la marque géographique (art. 27d al. 1 LPM). Ainsi, la marque géographique permet de distinguer les produits des entreprises légitimées à utiliser l’AOP ou l’IGP des produits des autres entreprises2.

Le titulaire peut, quant à lui, interdire à un tiers d’en faire usage dans les affaires pour des produits identiques ou comparable, lorsque cet usage est contraire au règlement (art. 27d al. 2 LPM). A noter que la notion de produits comparable au sens de cette disposition doit être comprise de manière plus étroite que celle de produit similaire au sens de l’art. 3 al. 2 let. b et c LPM3.

On ajoutera enfin qu’une AOP ou une IGP offre une protection plus étendue par rapport à la marque géographique. Les art. 16 al. 7 LAgr et 50a al. 8 LPM les protègent également contre une utilisation commerciale pour tout produit non comparable si cette utilisation exploite la réputation de la dénomination protégée. Ainsi, comme le souligne Simon, les titulaires de marques géographiques feront, en Suisse, attention sur quelle base – marque géographique ou AOP ou IGP – ils entendent agir en cas de conflits4.

Droits restreints

La marque géographique confère des droits limités par rapport à une marque ordinaire.

Opposition

Le titulaire d’une marque géographique ne peut pas faire opposition à l’enregistrement d’une marque (art. 27e al. 2 LPM). Dans son message, le Conseil fédéral note à cet égard que le titulaire « obtient une marque (…) [dont] le signe (…) a fait l’objet d’une procédure préalable relativement lourde (…) garantissant l’enregistrement par un groupement représentatif et le respect des conditions d’utilisation effectivement établies au lieu de la provenance. Au regard de ce statut, toute marque déposée par un tiers qui contiendrait une dénomination protégée (par ex. une marque combinant l’appellation d’origine «Gruyère» avec un logo) ne pourrait être enregistrée que pour des produits respectant le cahier des charges de l’appellation d’origine ou de l’indication géographique. Comme cette restriction est appliquée d’office par l’IPI lors de la procédure d’enregistrement, une marque postérieure contenant une marque géographique de l’art. 27a ne portera pas atteinte à cette dernière, de sorte qu’il se justifie d’exclure la possibilité, pour le titulaire de la marque géographique, de former opposition ».

A ce propos, David note que, lorsqu’une marque antérieure se limitera à une imitation ou à une allusion de la marque géographique, la marque ne sera pas limitée à des produits respectant le cahier des charges. Le titulaire de la marque géographique ne pourra toutefois pas faire opposition, bien que la marque déposée peut porter atteinte à la marque géographique dans une telle constellation; seule les voies de droit civiles ordinaires entrent en considération5.

A noter par ailleurs qu’il ne peut être formé opposition contre l’enregistrement d’une marque géographique (art. 31 al. 1bis LPM).

Transferts et licences

Comme l’indique l’art. 27e al. 1 LPM, la marque géographique ne peut pas être transférée, ni faire l’objet d’une licence.

Vecteur de protection à l’étranger

On vient de le voir, la marque géographique confère des droits limités par rapport à une marque ordinaire. En droit interne, la marque géographique n’a donc en réalité guère d’intérêt. Il s’agit avant tout d’un vecteur qui permet d’obtenir une marque équivalente à l’étranger6.

Le droit suisse, à l’instar du droit des pays d’Europe continentale, prévoit depuis plusieurs dizaines d’années un système de protection pour les indications géographiques. Ce fut d’abord le cas pour les produits viticoles, système de protection régi essentiellement par le droit cantonal. Le législateur a ensuite introduit un système de protection en tant qu’AOP et IGP pour les produits agricoles et les produits agricoles transformés. Avec le paquet législatif «Swissness», un registre des AOP et IGP pour les produits non agricoles a vu le jour (art. 50a LPM).

Nombreux sont en revanche les Etats qui ne prévoient pas un tel système de protection pour les indications géographiques. On pense en particulier aux Etats-Unis. C’est d’ailleurs un sujet de discorde qui transparait dans le cadre des négociations concernant les accords de libre-échange TTIP7. Dans ces pays, l’indication géographique peut être protégée par une marque ordinaire, p. ex. aux Etats-Unis par la marque de certification8.

Avec la marque géographique, il est possible d’obtenir, via le système de Madrid, la protection d’une AOP ou d’une IGP par une marque dans les pays qui ne connaissent pas un système de protection sui generis pour ces dénominations.

Le système de Madrid ne prévoit pas la catégorie «marque géographique». Lorsqu’une demande de protection à l’étranger sera déposée auprès de l’IPI, celui-ci notifiera normalement la demande en tant que marque de garantie, marque collective ou marque de certification; en aucun cas en tant que marque individuelle, la marque géographique n’étant pas une marque individuelle, mais bien une marque collective. Il appartiendra à l’office national du pays désigné de qualifier et d’examiner la marque selon son droit interne.

A ce jour, nous ne sommes pas en connaissance d’une demande d’enregistrement international s’agissant d’une marque géographique. Il sera intéressant d’examiner de quelle manière les offices étrangers traiteront ces marques. Nous ne manquerons donc pas d’y revenir le moment venu.

Vecteur de protection dans le système des noms de domaine (DNS)

La marque géographique peut également présenter un intérêt considérable pour la protection de le DNS. Cet aspect n’a pas été mis en avant (jusqu’ici) par le Conseil fédéral et l’IPI, mais il mérite de s’y attarder.

Le système de protection des droits de propriété intellectuelle dans le DNS est conçu quasi-exclusivement pour les titulaires de marques.

Ainsi par exemple, la procédure de règlement des litiges dans le DNS (principes UDRP) permet à un titulaire de marque de récupérer un nom de domaine identique ou similaire à sa marque dans le cas où ce nom de domaine aurait été enregistré et serait utilisé de mauvaise.

Un autre outil de protection est la Trademark Clearinghouse (TMCH). Il s’agit d’une base de données de marques destinées à faciliter la prévention contre des violation de droits de marques dans le DNS.

Les indications géographiques, qu’elles soient protégées en tant qu’AOP ou IGP, ou par des traités internationaux, ne peuvent pas jouir de la protection offerte par ces outils. Il y a peu d’espoir que cela change dans un futur proche.

L’enregistrement d’une AOP ou d’IGP en tant que marque ouvre la voie à ces systèmes de protection, efficace, de portée internationale, rapide et relativement bon marché. On peut imaginer que des représentants d’AOP/IGP étrangères, très actifs dans la protection de leurs titres, déposent des demandes de marques géographiques en Suisse pour profiter de ces moyens de protection dans le DNS.

Dénominations admises en tant que marque géographique

L’art. 27a LPM indique quels signes peuvent être protégés comme marque géographique. Nous estimons qu’il convient de distinguer les dénominations suisses des dénominations étrangères.

Dénominations suisses

AOP et IGP agricoles et non agricoles

L’art. 27a let. a LPM indique en premier lieu qu’une AOP ou une IGP enregistrée conformément à l’art. 16 LAgr peut être enregistrée en tant que marque géographique.

Cela concerne les 34 dénominations verbales figurant au registre tenu par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). La dénomination Emmentaler, objet de la première marque géographique, en fait partie.

Il en va de même pour les AOP et IGP non agricoles qui peuvent être enregistrées auprès de l’IPI en application de l’art. 50a LPM. Ce registre est encore à l’heure actuelle vierge, mais on peut p. ex. penser à des indications pour des montres (p. ex. Genève), du sel, des eaux minérales (p. ex. Yverdon-les-Bains) ou du papier découpé (p. ex. Pays-d’Enhaut).

Il ne peut à notre sens s’agir que de signes verbaux. L’IPI estime d’ailleurs que seuls les signes verbaux peuvent être protégés en tant qu’AOP ou IGP9.

Enfin, le signe déposé en tant que marque géographique doit bien entendu correspondre à la dénomination protégée en tant qu’AOP ou IGP.

AOC viticoles

Les AOC viticoles régies par les cantons conformément à l’art. 63 LAgr peuvent également faire l’objet d’une marque géographique. On pense p. ex. aux dénominations AOC Lavaux, Genève ou Vully pour ne citer qu’elles.

Ordonnances de branche

La marque géographique peut aussi être enregistrée pour des dénominations protégées en vertu d’une ordonnance de branche. L’art. 50 al. 2 LPM permet en effet au Conseil fédéral d’édicter, à la demande d’une branche économique, de préciser les conditions auxquelles une indication de provenance suisse peut être utilisée pour des produits ou des services.

A ce jour, deux ordonnances sont en vigueur: l’ordonnance réglant l’utilisation du nom « Suisse » pour les montres et l’ordonnance sur l’utilisation des indications de provenance suisses pour les produits cosmétiques.

Sur la base de ces ordonnances, les organisations faîtières des secteurs économiques concernés pourraient demander l’enregistrement du nom «Suisse» en tant que marque géographique pour des montres, respectivement pour des produits cosmétiques.

Dénominations étrangères

A titre liminaire, il convient d’évoquer dans ce contexte le récent arrêt CLOS D’AMBONNAY du TAF. Dans cet arrêt, le TAF a considéré en bref que, lorsque le signe était composé d’une indication géographique étrangère, que la protection était revendiquée en lien avec des produits ou services limités à la provenance correspondante et que le signe était enregistré en tant que marque dans le pays d’origine, il n’était pas soumis à un besoin de disponibilité et que la question de savoir s’il disposait d’un caractère distinctif pouvait être laissée ouverte10.

Au regard de cet arrêt, on peut se poser la question de savoir si la marque géographique conserve un réel intérêt pour une indication géographique étrangère. A en croire cet arrêt, la protection par une marque dans le pays d’origine de l’indication géographique suffirait pour obtenir une marque ordinaire en Suisse. Par ce biais, le déposant monopoliserait l’indication et s’épargnerait les obligations liées notamment à la condition de la représentativité et à l’établissement d’un cahier des charges.

Les indications géographiques étrangères serait également avantagées par rapport aux indications géographiques suisses, puisque l’obtention d’une marque ordinaire confère des droits que la marque géographique ne donne pas, tel que la possibilité de former opposition.

Ce nonobstant, le système prévu par la marque géographique prévoit explicitement que des indications géographiques étrangères11 peuvent être protégées en tant que marque géographique de la manière suivante:

AOP et IGP agricoles protégées par des accords bilatéraux

Les AOP et IGP agricoles étrangères ne sont pas mentionnées à l’art. 27a let. a LPM. On pourrait penser qu’elles ne sont pas couvertes par cette disposition.

Une solution pour enregistrer une AOP étrangère en tant que marque géographique consisterait alors, pour le groupement concerné, à obtenir l’enregistrement de la dénomination dans le registre de l’OFAG, à l’instar de l’IGP Café de Columbia.

Cette procédure, relativement lourde, peut à notre avis être épargnée pour le cas des AOP/IGP étrangères qui, en vertu d’un accord, sont  reconnues et protégées en Suisse comme des AOP/IGP nationales.

Tel est le cas des des AOP et IGP européennes (cf. art. 4 de l’annexe 12 et ses appendices à l’Accord sectoriel du 21 juin 1999 avec l’Union Européenne). On peut à notre sens admettre que ces AOP et IGP ont été enregistrées conformément à l’art. 16 LAgr et peuvent faire l’objet d’une marque géographique selon l’art. 27a let. a LPM.

Les mentions traditionnelles, dans tous les cas celles qui ne revêtent pas un caractère géographique, sont en revanche exclues de la protection en tant que marque géographique.

S’il n’était pas possible de protéger les AOP et IGP agricoles mentionnées dans l’annexe 12 à l’Accord sectoriel, les AOP et IGP viticoles protégées par l’annexe 8 à l’Accord sectoriel seraient de notre point de vue avantagées par rapport aux AOP et IGP agricoles, alors qu’elles sont toutes protégées par le même instrument en Suisse. Ces AOP et IGP pourraient cependant être dans tous les cas protégées en tant que marque géographique en application de l’art. 27a let. c LPM.

Autres AOP et IGP agricoles

Il peut exister des AOP et IGP qui ne sont pas protégées en Suisse par l’Accord sectoriel. Dans ce cas, nous sommes d’avis que les seuls moyens d’obtenir une protection en tant que marque géographique passent par l’enregistrement au registre de l’OFAG ou par l’art. 27a let. c LPM, sur lequel nous reviendrons ci-après.

AOP et IGP non agricoles

L’Accord sectoriel ne protège que les AOP et IGP viticoles et agricoles. Les produits non agricoles non sont en revanche pas couverts.

L’ordonnance sur les AOP et IGP non agricoles permet de protéger les AOP et IGP non agricoles étrangères, comme « Siège de Lifol » ou « Granit de Bretagne », deux dénominations récemment protégées en France. Dans ce cas, la dénomination serait protégée conformément à l’art. 50a LPM, de sorte qu’elle pourrait être enregistrée comme marque géographique en application de l’art. 27a let. a LPM. Cette solution, si elle est relativement lourde, permettrait d’offrir à l’AOP ou IGP étrangère une protection efficace en Suisse.

L’autre solution passe à notre sens immanquablement par l’art. 27a let. c LPM.

Appellations viticoles

L’enregistrement d’une marque géographique en application de l’art. 27a let. b LPM implique que l’appellation viticole soit conforme à l’art. 63 LAgr.

L’art. 63 LAgr classe les vins en trois catégories: vins d’AOC, vins de pays et vins de table (art. 63 al. 1 LAgr). Ces catégories sont définies par le Conseil fédéral (art. 63 al. 2 LAgr).

On entend par vin d’AOC un vin désigné par le nom d’un canton ou d’une aire géographique d’un canton (art. 21 al. 1 de l’ordonnance sur le vin). Les cantons fixent les exigences applicables aux AOC (art. 21 al. 2 de l’ordonnance sur le vin), exigences qui doivent prévoir, entre autres, une délimitation de l’aire géographique dans laquelle le raisin au minimum est produit (let. a), une liste des cépages autorisées (let. b), une liste de méthodes de cultures autorisées (let. c), une teneur minimale naturelle en sucre par cépage autorisé (let. d), un rendement maximum à l’unité de surface par cépage autorisé (let. e), une liste des méthodes de vinification autorisées (let. f) et un système d’analyse et d’examen organoleptique du vin prêt à la vente (let. g).

Ainsi, toute indication géographique viticole étrangère qui respecte les exigences de l’art. 21 al. 2 let. a à g de l’ordonnance sur le vin peut être protégée comme marque géographique.

Dans tous les cas, les indications géographiques protégées par l’annexe 8 à l’Accord sectoriel sont à considérer comme étant équivalentes à l’art. 63 LAgr, à l’exception des mentions traditionnelles, à tout le moins celles à caractère non géographique telles que «Grand Cru», «Réserve», «Château» ou «Vintage» par exemple.

Une dénomination étrangère qui ne répondrait pas aux exigences de l’art. 3 LAgr, et donc au cadre fixé par l’art. 21 al. 2 let. a à g de l’ordonnance sur le vin, pourrait à notre sens être protégée comme marque géographique en application de l’art. 27a let. c LPM.

Autres indications géographiques étrangères

Les indications géographiques étrangères, qui n’entrent pas dans le cadre des art. 27a let. a et b LPM, peuvent être protégées à titre de marques géographiques pour autant qu’elles soient protégées dans le pays d’origine par une règlementation équivalente à l’art. 50 al. 2 LPM (art. 27a let. c).

Une réglementation peut être considérée équivalente à notre avis si les conditions suivantes soient remplies:

a) La ou les dénominations protégées doivent être mentionnées.

b) Le produit ou le service concerné par la dénomination doit être clairement défini. A défaut, il ne pourrait y avoir une marque, celle-ci étant toujours protégée en relation avec les produits et services (art. 1 LPM).

c) La réglementation doit permettre un usage de la dénomination pour tous les producteurs qui remplissent les critères. La réglementation peut être sui generis. On peut aussi imaginer un système de protection par marque, mais la marque devra être une marque de type «collective», par opposition à une marque individuelle (marque de garantie, marque collective ou marque de certification au sens du système de Madrid; voir à ce propos let. d) ci-après).

d) Les conditions qui permettent l’utilisation de la dénomination doivent être précisées, de même que le territoire de production ou de provenance des matières premières. La réglementation devra prévoir des caractéristiques communes du produit, ainsi qu’une forme de contrôle de l’usage de la dénomination protégée. Sur ce dernier point toutefois, on ne saurait être trop exigent au regard de ce que prévoient à cet égard les ordonnances de branches existantes.

e) La réglementation doit reconnaître une protection au niveau national dans la pays d’origine. Une dénomination étrangère reconnue uniquement au niveau local ou régional ne serait pas équivalente à une ordonnance de branche, dont la portée est nationale.

Conclusion

Au regard des droits limités qu’elle confère en droit interne, la marque géographique est avant tout un instrument de politique économique extérieure, qui vise une meilleure protection des indications géographiques à l’étranger, en particulier dans les pays qui ne prévoient pas un système de protection de type AOP et IGP.

Son efficacité dépendra avant tout de la manière avec laquelle les offices étrangers traiteront ces marques. Seront en particulier déterminants pour la protection à l’étranger, la qualification de ces marques géographiques (en tant que marque individuelle, collective, de certification ou de garantie) et l’examen de leur caractère distinctif, respectivement leur appartenance au domaine public en application de l’art. 6quinquies let. B ch. 2 CUP.

L’accueil que réservera l’IPI aux dénominations étrangères ne manquera pas non plus d’éveiller de l’intérêt.


1Message du Conseil fédéral du 18 novembre 2009 relatif à la modification de la loi sur la protection des marques et à la loi fédérale sur la protection des armoiries de la Suisse et autres signes publics (ci-après, Message Swissness), in: FF 2009 7711, p. 7737; voir ég. TAF B-7489/2006, consid. 9.2 – Le Gruyère Switzerland (fig.) / Gruyère Cuisine… (fig.).
2Message Swissness, p. 7753.
3Lucas David, in: Lucas David/Markus R. Frick (éd.), Markenschutzgesetz Wappenschutzgesetz, Bâle 2016, n° 6 ad art. 27d LPM; voir également sur cette question: Directives de l’IPI en matière d’AOP et d’IGP non agricoles, Berne 2017, Partie 3, ch. 6.3.2 (disponibles ici).
4Jürg Simon, La nouvelle marque géographique et le statut des indications de provenance étrangères en Suisse, in: Jacques de Werra (éd.), Indications géographiques: Perspectives globales et locales, Actes de la Journée de droit de la propriété intellectuelle du 11 février 2016, Genève/Zurich 2016, p. 74.
5David, op. cit., n° 8 ad art. 27e LPM.
6Message Swissness, p. 7756.
724 Heures, Nos AOP échapperaient à toute protection, édition du 24 septembre 2016, disponible ici.
8IPWatchdog, Napa Valley Vintners first wine group in US to receive certification mark, dipsonible ici.
9Directives IPI AOP-IGP, Partie 2, ch. 2.1.2.
10TAF B-5004/2014; cet arrêt fera l’objet d’un prochain résumé ou article.
11 On notera cependant que la terminologie du législateur fédéral concernant les indications géographiques étrangères manque de clarté, ces dernières n’étant pas explicitement mentionnées s’agissant des AOP et IGP pour les produits agricoles et non agricoles au sens des art. 16 LAgr et 50a LPM.

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