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(fig.) « losange avec croix » / (fig.) « losange avec croix »

TF, arrêt 4A_540/2023 du 26 mars 2024 – motifs relatifs, force distinctive, risque de confusion, recours admis

Art. 3 al. 1 let. c LPM: Une marque faiblement distinctive ne voit pas nécessairement sa force distinctive accrue par un simple usage commercial prolongé. En l’absence de preuve d’une notoriété établie, son champ de protection reste restreint. Les signes en cause – bien que partageant certains éléments géométriques – laissent des impressions d’ensemble clairement distinctes ce qui, considérant la faible force distinctive du signe antérieur, exclu le risque de confusion. 

La société B.________ GmbH (intimée), basée en Allemagne, est active dans la fabrication et la vente de textiles, notamment de chaussettes. Elle est titulaire de la marque suisse n° 2P-334167 (fig.), enregistrée en 1984, ainsi que de six marques internationales avec effet en Suisse, toutes contenant un signe graphique commun: un carré noir traversé par des lignes blanches en pointillés formant une croix.

La société A.________ Inc. (recourante), basée aux États-Unis, commercialise des vêtements, dont des chaussettes, également en Suisse. Elle a déposé en 2015 la marque n° 684329 (fig.) composée d’un cercle noir au centre duquel figure une croix formée par deux lignes blanches continues.

Toutes les marques en cause revendiquent la classe 25 (vêtements, notamment chaussettes). L’intimée, titulaire de la marque antérieure, a obtenu du Handelsgericht du canton de Zurich une interdiction d’usage de la marque de la recourante en Suisse et la nullité de cette dernière. Le Tribunal fédéral annule cette partie du jugement et renvoie la cause concernant la concurrence déloyale.

Marque antérieure (CH 334167)

Marque attaquée (CH 684329)

Motif répétitif ou signe autonome?

La recourante soutenait que le signe de l’intimée ne serait qu’un motif décoratif banal. Le Tribunal fédéral confirme qu’il ne s’agit pas d’un simple pattern, mais d’un signe autonome, tel qu’enregistré au registre. Le grief est rejeté.

Champ de protection

La juridiction zurichoise avait reconnu que la marque figurative de l’intimée – bien que faiblement distinctive à l’origine – avait fait l’objet d’un usage régulier sur le marché suisse, notamment à travers la distribution de chaussettes. En se fondant sur cet usage, elle a conclu à une force distinctive moyenne, permettant d’appliquer des critères plus stricts dans l’analyse du risque de confusion.

Le Tribunal fédéral valide l’approche de principe : une marque originellement faible peut voir sa force distinctive renforcée par un usage intensif et prolongé, en particulier si cet usage est accompagné d’un effort publicitaire ou de preuves de notoriété (ATF 122 III 382 consid. 2b). Toutefois il rappelle que le simple usage commercial ne suffit pas à conférer une notoriété.

En l’espèce, aucune preuve d’une telle notoriété n’a été rapportée. En retenant malgré tout une force distinctive moyenne basée uniquement sur la présence continue de la marque sur le marché, la juridiction zurichoise a violé les principes du droit des marques.

En conséquence, le risque de confusion (art. 3 al. 1 let. c LPM) doit être évalué en se fondant sur la force distinctive originelle des marques de l’intimée, qui doivent être qualifiées de faiblement distinctives. L’intimée ne parvient pas à démontrer le contraire.

Risque de confusion nié

Le signe de l’intimée présente un carré noir et des lignes pointillées formant une croix. Celui de la recourante se compose d’un cercle noir plein avec une croix formée de lignes blanches continues, évoquant potentiellement quatre «x». Le Tribunal fédéral relève que cet effet optique est propre au signe de la recourante, et ne se retrouve pas dans celui de l’intimée.

Les signes partagent certes certaines formes géométriques de base (croix et carré), mais ces éléments appartiennent au domaine public et sont donc faiblement distinctifs. Leurs différences – dans la structure, l’agencement, le style (lignes pleines contre pointillées) et la présence ou non d’un fond circulaire – sont suffisantes pour créer une impression globale différente.

Par conséquent, malgré la similarité des produits (chaussettes et articles similaires), les consommateurs – même s’ils manifestent une attention moyenne à élevée – ne confondront pas les deux signes et ne supposeront pas non plus un lien économique entre les entreprises.

Le TF souligne que le champ de protection des marques faiblement distinctives est réduit, et que de simples ressemblances géométriques ne suffisent pas à justifier un risque de confusion.

Admission du recours sous l’angle du droit des marques

Sur cette base, la conclusion de la juridiction cantonale quant à la nullité de la marque de la recourante est annulée. L’interdiction d’usage prononcée à l’encontre de la recourante ne peut être maintenue au titre de la LPM.

Toutefois, la question de savoir si un comportement déloyal au sens de la LCD (art. 9 al. 1 let. a) pourrait justifier une interdiction doit encore être examinée par l’instance cantonale. La cause est donc partiellement renvoyée à cette fin.

(Arrêt TF 4A_540/2023 du 26 mars 2024)

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