TAF, arrêt B-4025/2022 du 22 février 2024 – motifs relatifs, force distinctive réduite, recours partiellement admis
Art. 3 al. 1 let. c LPM: Le terme «Vita» n’est pas distinctif pour les produits pharmaceutiques de la classe 5 et certains cosmétiques de la classe 3. En lien avec ces produits, la marque opposante est faiblement distinctive et les différences graphiques suffisent à exclure un risque de confusion. En revanche, la marque opposante conserve une distinctivité moyenne pour les produits de blanchiment et de nettoyage en classe 3. En lien avec ces produits, le risque de confusion existe.
Art. 3 al. 1 let. c et 2 let. a LPM: La simple fréquence d’un mot dans les registres ne suffit pas à prouver sa dilution. Il faut démontrer un usage généralisé et diversifié sur le marché suisse.
Le TAF admet partiellement le recours contre la décision de l’IPI, qui avait annulé l’enregistrement des marques suisses «Vita (fig.)» (CH 769’568 et CH 770’321) à la suite de l’opposition fondée sur la marque antérieure «Vita (fig.)» (IR 1’462’004) pour des produits cosmétiques et pharmaceutiques en classes 3 et 5.
La titulaire des marques contestées fait recours, arguant que «Vita» est un terme générique et que les différences graphiques suffisent à éviter toute confusion. Le TAF lui donne raison en lien avec les produits de la classe 5 et certains produits de la classe 3.

Marque opposante

Marque attaquée
Attention du public
Le TAF souligne que les produits en classe 3 (cosmétiques et soins corporels) sont des biens de consommation courante, ce qui implique une attention relativement faible de la part du public. À l’inverse, les produits en classe 5 (pharmaceutiques et médicaux) sont associés à une attention plus élevée, car ils touchent directement à la santé des consommateurs. Cette différence de niveau d’attention est un facteur clé dans l’évaluation du risque de confusion.
Similarité des signes
L’élément verbal «Vita» est identique dans les marques en conflit, ce qui crée une forte similarité phonétique et conceptuelle. Les différences graphiques entre les marques (typographie et symboles supplémentaires) sont jugées insuffisantes pour écarter cette similarité.
Force distinctive de la marque opposante
Le tribunal reconnaît que le terme «Vita» évoque la vitalité et la santé et qu’il est dénué de caractère distinctif en lien avec les produits pharmaceutiques, vétérinaires et diététiques de la classe 5. Pour les produits de la classe 3, qui incluent les cosmétiques et les articles de toilette, le rapport avec la signification de «Vita» est moins évident. Toutefois, le terme suggère une association positive avec l’amélioration ou l’embellissement de la vie, ce qui lui confère un caractère laudatif. En revanche, pour les produits de blanchiment, les détergents et autres substances nettoyantes, «Vita» n’évoque ni un bénéfice pour la santé ni une amélioration du bien-être. Dans ce contexte, le mot conserve une force distinctive moyenne.
L’IPI avait attribué une force distinctive moyenne au mot «Vita» pour tous les produits, alors que le Tribunal considère qu’il est faiblement distinctif voire descriptif pour la plupart des produits concernés (notamment en classe 5 et pour certains produits de la classe 3). Seuls certains articles de la classe 3 (comme les produits de blanchiment et de nettoyage) conservent une force distinctive moyenne.
Dilution du terme «Vita»
La recourante affirme que la marque opposante a perdu sa force distinctive en raison d’un usage généralisé du mot «Vita» par de nombreux acteurs du marché. Pour le prouver, elle soumet plus de 120 enregistrements de marques contenant «Vita» pour des produits des classes 3 et 5. Elle présente également des preuves montrant que 19 entreprises utilisent ce terme sur près de 100 produits différents.
Le Tribunal rejette cet argument. Il rappelle que la simple fréquence d’un mot dans les registres ne suffit pas à prouver sa dilution. Il faut démontrer un usage généralisé et diversifié sur le marché suisse, ce qui n’est pas établi ici.
De plus, plusieurs éléments de preuve fournis par la recourante concernent des marques enregistrées mais non utilisées ou des produits commercialisés hors de Suisse. Certains exemples montrent aussi des variantes comme «Vita-B» ou «Vita-C», qui sont susceptibles d’être perçues comme des références aux vitamines et non comme des marques indépendantes.
Le Tribunal estime que la dilution de la marque opposante n’a pas été démontrée. Toutefois, il reconnaît que l’usage fréquent de «Vita» dans les registres constitue un indice que ce mot est commun et non fortement distinctif.
Caractère générique du terme «Vita» et besoin de libre disposition
La recourante avance ensuite que «Vita» appartient au langage courant et doit rester libre d’utilisation. Elle compare ce mot à des termes considérés comme impossibles à monopoliser, comme la lettre «M», le chiffre «Duo» (associé au nombre deux) ou le pronom «You».
Le Tribunal rejette cette analogie. Contrairement à la lettre «M», «Vita» n’est pas un simple symbole universel. À la différence de «Duo», il ne se confond pas avec une valeur numérique évidente. Il ne joue pas un rôle essentiel dans la communication comme le pronom «You» en anglais. En conséquence, bien que «Vita» soit un mot italien du vocabulaire courant, il ne constitue pas un terme essentiel dont l’usage devrait être totalement libre.
La partie adverse relève une contradiction dans l’argumentation de la recourante. Elle prétend que «Vita» doit rester à la libre disposition tout en ayant elle-même déposé une marque verbale «VITA». Le Tribunal considère toutefois que ce comportement ne constitue pas une attitude contradictoire abusive (venire contra factum proprium), car une marque, même faible, peut acquérir une protection par l’usage.
Risque de confusion
Le Tribunal retient que pour les produits de la classe 5 et certains cosmétiques de la classe 3, la force distinctive de la marque opposante étant faible, les différences graphiques suffisent à exclure un risque de confusion.
En revanche, pour les produits de blanchiment et de nettoyage, où la marque opposante est moyennement distinctive et où l’attention des consommateurs est plus faible, la distinction entre les signes n’est pas suffisante pour écarter un risque de confusion.
Le TAF admet ainsi partiellement le recours et annule l’opposition pour une grande partie des produits des classes 3 et 5. Toutefois, pour les produits de blanchiment et de nettoyage, l’opposition est maintenue et l’enregistrement est refusé.
(TAF B-425/2022 du 22 février 2024)