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WILD HEERBRUGG

TF, arrêt 4A_234/2018 du 28 novembre 2018 – dépôt abusif de marque

Art. 2 al. 2 CC et 1 LPM: Une marque qui n’est pas déposée dans le but d’être utilisée pour distinguer des produits et services, mais uniquement aux fins de porter atteinte à d’autres marques ou d’obtenir des avantages n’est pas protégée. Elle peut être annulée.

Art. 2 al. 2 et 8 CC: On peut attendre du défendeur, auquel un dépôt abusif est reproché, qu’il expose les raisons qui ont motivé son dépôt. Des motifs qui ne sont pas dignes de protection et violent la loyauté commerciale constituent une preuve abstraite d’un dépôt abusif.

Les faits

La recourante est une raison individuelle sise en Suisse. L’intimée est société de droit autrichien. Elle appartient au groupe WILD.

Les parties à cette procédure sont en litige depuis longtemps autour de différentes marques « WILD » et « WILD HEERBRUGG » enregistrées pour des appareils d’optiques (classes 9 et 10) et des technologies liées (classe 42).

Initialement, ces marques appartenaient à la société Wild Heerbrugg AG, active dans la fabrication d’appareils de mesure optique. Cette société, créé en 1954, a donné naissance au groupe WILD. Ces marques n’ont pas été prolongées. L’intimée est par ailleurs titulaire de l’enregistrement international « WILD ELECTRONICS (fig.) » (IR 837 979) étendu à la Suisse pour des produits des classes 9 et 10 et des services en classe 42.

Depuis 2007, la recourante, qui n’est aucunement liée au groupe WILD, a commencé à déposer en Suisse et en Allemagne diverses marques contenant l’élément « WILD » pour les mêmes produits et services. Elle a réclamé aux sociétés du groupe WILD d’importantes sommes en contrepartie de la radiation de ces marques.

La recourante a déposé en 2011 la marque verbale « WILD HEERBRUGG » (CH 624 864), objet de la présente affaire, toujours pour les mêmes produits et services.

La recourante actionne l’intimée devant le tribunal de commerce du canton de Berne en demandant la nullité de la partie suisse de l’enregistrement 837 979 appartenant à l’intimée.

Reconventionnellement, l’intimée fait valoir que la marque « WILD HEERBRUGG » (CH 624 864) de la recourante a été déposée abusivement et doit être déclarée nulle.

Le Tribunal bernois a donné droit à l’intimée et a déclaré nulle la marque « WILD HEERBRUGG » (CH 624 864) au motif qu’elle a été déposée non pas pour être utilisée, mais dans le but de générer des litiges et d’en obtenir de l’argent.

Considérants du TF

Le TF confirme le jugement bernois. Il rappelle les principes qui prévalent de ce cas.

Principes régissant les dépôts abusifs

Les marques déposées sans intention de les utiliser ne jouissent d’aucune protection. Elles peuvent être annulées (ATF 127 III 160, consid. 1a; arrêts 4A_429/2011 du 23.02.2012 consid. 3.2 ; 4C.82/2007 du 30.05.2008, consid. 2.1.5). Elles ne jouissent pas du délai de grâce de l’art. 12 LPM (arrêts précités 4A_429/2011, consid. 3.2; 4C.82/2007, consid. 2.1.5).

Il en va ainsi de marques déposées aux fins d’empêcher l’enregistrement de signes correspondants par des tiers, d’accroître la portée de la protection des marques effectivement utilisées (ATF 127 III 160, consid. 1a) ou d’obtenir des avantages financiers de l’utilisateur précédent (arrêts précités 4A_429/2011 consid. 3.2; 4C.82/2007 consid. 2.1.4).

Aspects procéduraux

Sur la base de l’art. 8 CC, la partie qui invoque ce motif de nullité doit démontrer l’absence d’intention d’utilisation. Cependant, l’absence d’intention est un fait négatif qui peut difficilement être prouvé positivement.

Lorsque la partie demanderesse rend vraisemblable que le dépôt n’a pas été fait avec une intention d’utiliser la marque, on peut donc attendre de la partie adverse qu’elle documente ou du moins qu’elle explique les raisons qui ont motivé son dépôt. Le défendeur doit alors démontrer que son dépôt est fondé sur des motifs dignes de protection et respectant les principes de loyauté commerciale. Si l’explication du défendeur ne semble pas digne de foi, le juge doit s’en satisfaire, dans une évaluation globale, comme d’une preuve abstraite prouvant le caractère abusif du dépôt (arrêt précité 4A_429/2011 consid. 5.1).

Le TF confirme que le tribunal bernois a correctement appliqué ces principes en l’espèce. Il rejette le recours et confirme l’annulation de la marque « WILD HEERBRUGG » (CH 624 864).

TF, arrêt 4A_234/2018 du 28 novembre 2018

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