TF, arrêt 4A_161/2022 du 5 juin 2023 – motifs relatifs, action en nullité, risque de confusion admis, recours rejeté
Art. 3 al. 1 let. c LPM : Tel qu’utilisé dans les marques antérieures de la demanderesse, l’élément «Reine(s)» fait référence aux vaches d’Hérens victorieuses des combats. Cet élément est distinctif pour les vins et produits alcoolisés de la classe 33. La marque attaquée reprend presque entièrement la marque antérieure, en particulier son élément central et distinctif «Reines», pour des produits identiques ou fortement similaires. Pareille ressemblance est de nature à susciter une association d’idées erronées chez les consommateurs concernés.
Le TF confirme la décision du Tribunal cantonal valaisan constant la nullité de la marque «La Réserve des Reines» (CH 732286) de la défenderesse pour des vins et spiritueux de la classe 33.
Faits
La demanderesse et intimée, active dans les domaines de l’agriculture et de la viticulture, élève des vaches de la race d’Hérens dont plusieurs ont gagné le titre de «reine» à l’issue de combats. La demanderesse a fait enregistrer les marques «Blanc des Reines», «Vin des Reines», «Cuvée des Reines» et «Réserve de l’Éleveur de Reine» entre 2014 et 2016 pour diverses boissons et préparations alcoolisées en classe 33.
La défenderesse, recourante, exploite un commerce de vins en Valais. Elle a fait enregistrer la marque précitée «La Réserve des Reines» en 2019 et a commercialisé différents vins sous cette dénomination.
En janvier 2021, la demanderesse a saisi le Tribunal cantonal valaisan d’une action en nullité de l’enregistrement de cette marque, cumulée à une action en cessation et en interdiction. Ce dernier a admis l’action. Contre ce jugement, la défenderesse a recouru en vain devant le Tribunal fédéral.
Caractère distinctif de l’élément «Reines»
Le terme «Reine(s)» a plusieurs significations. Cependant, tel qu’utilisé dans les marques antérieures de la demanderesse, il désigne les vaches qui l’emportent dans les combats entre bêtes de la race d’Hérens. De tels combats sont une tradition en Valais, dans le Val d’Aoste et la Vallée de Chamonix. L’usage du pluriel conforte dans cette idée. Dans une des marques, le terme est au singulier, mais précédé du mot «Éleveur», ce qui ne laisse place à aucun doute.
Il n’est pas courant d’utiliser le mot «Reine(s)», en particulier comme renvoi aux vaches d’Hérens, dans le domaine du vin. Cette singularité est due au double domaine d’activités dans lesquelles évolue la famille d’agriculteurs à l’origine de la société demanderesse. Cet élément est clairement apte à exercer la fonction distinctive d’une marque, en relation avec des produits viticoles.
Risque de confusion admis
La marque litigieuse («La Réserve des Reines») est presque entièrement comprise dans une des marques antérieures de la demanderesse («Réserve de l’Éleveur de Reine»). Elle revêt un sens concordant avec cette marque antérieure, ce qui conduit à une forte similarité entre les signes opposés, notamment au niveau sémantique.
Les consommateurs, qui font preuve d’un degré d’attention moyen en lien avec les produits en cause, pourraient légitimement penser qu’il s’agit d’une famille de marques de la même entreprise. Pareille ressemblance est de nature à susciter une association d’idées erronées chez les consommateurs. Le risque de confusion est ainsi donné, justifiant la nullité de la marque attaquée. Le TF ne trouve rien à redire au jugement cantonal et rejette le recours.