TF, arrêt 4A_65/2022 du 6 mai 2022 – motifs absolus, cercles des destinataires, appartenance au domaine public, recours rejeté
Art. 2 let. a LPM: Si les produits et services concernés sont achetés aussi bien par des professionnels que par le grand public, il convient, lors de l’appréciation du caractère communautaire d’un signe, de le rejeter dès lors que le motif d’exclusion de la protection n’est donné que du point de vue de l’un des publics concernés.
Art. 2 let. a LPM: Les irrégularités orthographiques ou grammaticales ne sont pas aptes, en soi, à empêcher que le signe soit perçu comme descriptif.
Le TF rejette le recours formé par le titulaire de la marque suisse «FACTFULENSS» (IR 1’381’407) contre l’arrêt du TAF B-5789/2020 du 21 décembre 2021.
Cet arrêt, qui confirme la décision de l’IPI, refuse l’enregistrement du signe en cause à titre de marque au motif qu’il appartient au domaine public pour tous les produits revendiqués en classes 16 (Produits d’imprimerie; matériel d’instruction et d’enseignement et en classe 41 (Éducation se rapportant à la science et aux statistiques basées sur des faits en particulier).
Détermination des cercles des destinataires
Le TF rappelle au TAF que lorsque les produits et services sont décents aussi bien qu’au grand public, il ne faut pas se fonder sur la compréhension de ce deuxième groupe au motif qu’il constitue le groupe de marché le plus important et le moins expérimenté. Au contraire, comme l’a relevé l’IPI, la taille du public ou le rapport numérique entre eux ne joue aucun rôle. Si les produits et services concernés sont achetés aussi bien par des professionnels que par le grand public, il convient, lors de l’appréciation du caractère communautaire d’un signe, de le rejeter dès lors que le motif d’exclusion de la protection n’est donné que du point de vue de l’un des publics concernés.
Si le critère quantitatif était déterminant, il faudrait, dans la plupart des cas, se baser uniquement sur la compréhension du grand public, si celui-ci est également concerné par les produits et services en question, et les milieux spécialisés ou autres groupes de destinataires, éventuellement également concernés, mais quantitativement plus petits, ne seraient pas pris en compte (arrêt 4A_6/2013 du 16 avril 2013, consid. 3.2.2, WILSON).
Appartenance au domaine public
Si le terme «factfulness» ne fait pas partie du vocabulaire allemand, français, italien ou anglais, les destinataires le décomposent naturellement en «fact», qui signifie «fait» et «full» qui signifie «plein». Ces deux termes font partie du vocabulaire anglais de base. Le suffixe «-ness» sert à former le nom. La formation de nom avec ce suffixe est courante, par exemple «truthfulness», «mindfulness» ou «cheerfulness». Le signe se traduit ainsi par «plénitude de faits» ou «richesse de faits». Ce contenu sémantique est clairement au premier plan.
Le signe n’est pas ambigu, d’autres traductions littérales de «fact» et «fulness» n’ayant aucun sens lorsqu’elles sont combinées. Des effets d’altération marginaux ou certaines erreurs grammaticales n’y changeraient rien. L’utilisation de «fact» au singulier et le fait qu’il soit écrit «factful» au lieu de «full of facts» (qui aurait été grammaticalement correct) n’entraînent pas d’autres interprétations du signe.
En lien avec les produits revendiqués en classe 16 et les services revendiqués en classe 41, le signe s’épuise dans une indication directement descriptive de leur contenu ou de leur nature en ce sens qu’ils présentent une multitude de faits, c’est-à-dire qu’ils mettent à disposition une collection de faits. Le public pertinent s’attend, sur la base du signe, à avoir accès à une collection de faits pour sa formation. Le contenu descriptif par rapport aux produits imprimés, au matériel d’enseignement et aux services de transmission du savoir est évident. Le signe appartient donc au domaine public et c’est à juste titre que son enregistrement à titre de marque a été refusé.
Le recours est ainsi rejeté.