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Caractère distinctif d’une marque de l’UE pour des produits virtuels – Glashütte ORIGINAL (fig.)

Le Tribunal de l’UE se prononce pour la première fois sur le caractère distinctif d’une marque pour des produits virtuels dans une décision du 11 décembre 2024 (affaire T‑1163/23).

Il considère que si les produits ou services virtuels ne font que représenter des produits réels ou reproduire ou émuler leurs fonctions, alors le public concerné les percevra de la même manière qu’il perçoit les produits et services réels correspondants. Les motifs qui fonderaient un refus pour les produits réels valent ainsi également pour les produits virtuels correspondants.

La ville de Glashütte est réputée dans le domaine de l’horlogerie

Le signe « Glashütte original (fig.) » (MUE 018727034) a été déposé pour des produits virtuels téléchargeables, à savoir des montres, des horloges et leurs accessoires, destinés à être utilisés en ligne ou dans des mondes virtuels en ligne de la classe 9, ainsi que pour des services de vente au détail et de fourniture de ces produits virtuels des classes 35 et 41.

L’EUIPO a considéré comme un fait notoire que «Glashütte » désignait une ville allemande très connue pour être le berceau de l’horlogerie allemande et ainsi réputée dans le domaine de l’horlogerie.

Le déposant ne parvient à contredire ce fait si bien que le Tribunal confirme cette appréciation.

Critères pour l’examen de la perception d’un signe en lien avec des produits virtuels

Pour motiver son refus, l’EUIPO a transféré l’image de qualité que représentait la ville de Glashütte dans le domaine de la fabrication des montres traditionnelles aux produits et aux services virtuels revendiqués. Il a estimé que le public concerné percevrait les montres virtuelles de la même manière qu’il perçoit les montres réelles correspondantes. Par conséquent, le signe sera perçu comme une information promotionnelle et non comme un signe distinctif.

La recourante conteste cette approche. Elle estime que si la ville de Glashütte est réputée pour les montres réelles, elle ne l’est pas pour les montres virtuelles.

S’agissant de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque en relation avec des produits virtuels, le Tribunal considère que

le public concerné percevra en principe les produits et services virtuels de la même manière qu’il perçoit les produits et services réels correspondants. La nature des produits et des services en cause est déterminante. Ainsi, si des produits virtuels ne font que représenter des produits réels ou si des produits virtuels représentent ou émulent les fonctions de produits réels, ou encore si des services virtuels émulent les fonctions de services réels dans le monde virtuel, un transfert de la perception qu’a le public pertinent des produits et des services réels vers les produits et les services virtuels correspondants peut, en principe, être établi. La possibilité d’un tel transfert doit néanmoins faire l’objet d’une appréciation au cas par cas, en tenant compte de la particularité des produits et des services virtuels en cause (§41).

Ces conditions sont remplies dans le cas d’espèce. Les produits et les services virtuels en cause font référence à des produits réels d’horlogerie et à leurs accessoires et peuvent ainsi représenter les produits et les services réels correspondants ou émuler leurs fonctions.

Partant, lorsque ce public sera mis en présence desdits produits et services virtuels, il percevra directement la marque demandée comme une extension logique de la réputation de la ville de Glashütte s’agissant de l’horlogerie traditionnelle. Cette marque lui procurera les mêmes sentiments positifs s’agissant de la qualité et de l’authenticité des produits et des services virtuels que s’agissant de la qualité et de l’authenticité des produits et des services réels.

Les différences entre produits réels et virtuels ne modifient pas la perception du signe

Dans un deuxième grief, la recourante soutient qu’il y a une différence substantielle entre les produits réels et les produits virtuels, de sorte qu’un transfert de la réputation des premiers aux seconds est exclu.

Le Tribunal balaie également cet argument. Cette différence ne modifie pas la perception du public pertinent, dans la mesure où il reste établi que le nom Glashütte est réputé dans le domaine de l’horlogerie traditionnelle, à savoir celui des produits réels que les produits virtuels en cause tendent à représenter ou dont ils visent à émuler les fonctions.

Et la Suisse?

L’IPI a récemment annoncé sa nouvelle pratique relative aux Critères d’examen de la similarité de produits et de services offerts dans un environnement virtuel. Il propose de mettre l’accent sur la complémentarité et d’appliquer le principe de « Durchgriff » afin, dans certaines circonstances, de passer outre la nature réelle ou virtuelle des produits et services. Dans ces situations, qui dépendront des habitudes de marché et de consommation prévalant dans la branche considérée, la similarité entre les produits ou services offerts dans des environnements virtuels et leurs équivalents réels pourra être admise.

Bien que cette décision ne porte pas sur la similarité entre produits, mais sur l’examen des motifs absolus d’exclusion, elle confirme l’approche flexible de l’UE qui ne cloisonne pas les produits et services selon leur nature réelle ou virtuelle, mais reconnait la porosité de la frontière qui les sépare.

La pratique proposée par l’IPI en matière de similarité est nourrie des mêmes principes et s’intègre tout-à-fait dans l’esprit de cette jurisprudence européenne. Est-ce que l’IPI et les tribunaux reprendront ces critères dans l’examen des motifs absolus? L’avenir nous le dira.

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